La biodiversité, une question de science... humaine?
ÉditerEntretien avec Jean-Denis Vigne, archéozoologue, médaille d’argent du CNRS en 2002 et directeur du LabEx BCDiv (Diversités biologiques et culturelles)
Propos recueillis par Maurice Mashaal "Pour la Science"
Extraits
On entend beaucoup parler de biodiversité, mais on explique rarement de quoi il s’agit exactement. Y en a-t-il une définition précise?
JEAN-DENIS VIGNE : La diversité biologique, c’est la diversité du vivant, animal et végétal, à toutes les échelles. Autrement dit, cela inclut la diversité génétique au sein d’une population, la diversité des populations au sein d’une même espèce, la diversité des espèces bien sûr, mais aussi celle des familles d’espèces, etc., jusqu’à la diversité des écosystèmes.
Il faut souligner que dans cette chaîne, les écosystèmes constituent un maillon clef et, finalement, le cœur de la question: on s’aperçoit de plus en plus que lorsque la diversité des écosystèmes est perturbée, la diversité à toutes les autres échelles, en aval, est affectée. C’est pourquoi la biodiversité ne peut être entretenue que s’il y a préservation des écosystèmes et de leur hétérogénéité.
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Une croissance démographique continue est-elle selon vous compatible avec la préservation de la biodiversité?
J.-D. V. : À long terme, probablement pas. Mais on n’en est pas à prédire ce que sera la démographie à long terme. Ce qui est sûr, c’est que les aspects démographiques doivent être pris en compte dans les études relatives à la biodiversité, et c’est de plus en plus le cas. Par exemple, en archéozoologie, nous poussons beaucoup pour introduire la démographie dans nos modèles, puisqu’elle a évidemment joué un rôle dans la domestication des animaux, par exemple.
Plus généralement, l’écologie devrait intégrer pleinement les facteurs humains et sociaux (la démographie entre autres), dans la mesure où les milieux «naturels» sont en constante interaction avec les sociétés humaines. Cette prise en compte de la dimension humaine est encore trop faible dans la plupart des travaux actuels.
Il y avait jusqu’ici une tendance de l’écologie à se suffire à elle-même, un manque de prise de conscience des phénomènes humains et sociaux en général. Or on ne peut pas traiter les systèmes anthropisés uniquement avec les outils et concepts de la biologie et de l’écologie des milieux naturels. La convergence avec les sciences humaines et sociales est indispensable au futur de l’écologie en tant que science.
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