Faire corps avec la nature
Publié le 19/03/2024
Clotilde* est une oasienne qui nous a écrit à plusieurs reprises pour nous faire part de ses peurs vis-à-vis du climat anxiogène pro-chasse de sa commune et des représailles qu’elle a déjà subi. Dans une de ses lettres, elle nous a aussi partagé les beautés de l’endroit où elle vit, dans les Grands Causses en Aveyron, dont elle prend soin depuis des décennies. Son humanité et sa sensibilité nous ont touchées, et ce sera sans doute le cas pour vous aussi à la lecture de son témoignage.
« Mon Oasis Nature, ce sont deux hectares de bois, qui grimpent sur une colline en haut d’une petite vallée. Il y a des anciennes vignes où la forêt a maintenant repoussé. En contrebas, sur un sol argilo-sableux, j’observe les prunelliers, aubépines, alisiers torminaux, cormiers, cornouillers sanguins, genévriers, gros pins maritimes qui souffrent du pourridié et des sécheresses, alors que quelques pins sylvestres plus haut se portent bien. Il y a aussi des fusains, des troènes et bien sur les chênes du Causse (ou chêne pubescent).
Chêne Pubescent
Plus haut : du caillou calcaire et essentiellement des chênes et genévriers. Je me rends compte que dévoiler une partie de ceux qui existent là me gêne un peu. C’est comme une planque, un refuge, un lieu où vivre avec mes voisins de toutes espèces est facile, sauf avec les chasseurs.
Certes, je me fais dévorer par les moustiques, aoûtats et autres bestioles mais je les aime, il n’y a pas le choix, je me dis qu’il faut qu’ils mangent comme tout le monde ! Bon, beaucoup de plantes : bruyères, violettes, redoul, une douzaine d’orchidées, de l’origan, des romarins. Beaucoup d’insectes, mais beaucoup de bestiaux plus gros aussi : cerfs, chevreuils, sangliers, renards, blaireaux, genettes, martres, fouines, écureuils, lézards des murailles, lézards verts, couleuvres, lièvres. Je ne peux pas en faire la liste exhaustive ! Du côté du ciel, on retrouve les buses, les autours, les faucons, les milans, les dames blanches, les chouettes hulottes, les engoulevents, les palombes et tourterelles. Les p’tits piafs comme je les appelle, les grands pics noirs et les autres vivent aussi dans mon Oasis Nature. J’observe les grands vols de grues deux fois par an, dont une grue blanche que j’ai baptisé Jeanne. Mais décidemment c’est impossible, je préfère vivre avec eux plutôt que de tous les lister !
Un Engoulevent sur une branche
Dans les bois, il y a de longs et gros murets de pierres ainsi que des gariottes, constructions en pierres sèches qui servaient sur d’anciens vignobles. En bas, j’ai creusé plusieurs trous d’eau, 10 à 15m², pour que tout le monde en ait et je récupère l’eau du toit dans des réservoirs de 500 litres. Il y a beaucoup de récipients de toutes tailles contenant de l’eau en permanence, sous les gouttières, partout où je peux, à toutes les hauteurs. C’est un peu de boulot à entretenir mais sur les Grands Causses, s’il n’y a pas d’eau, il n’y a pas beaucoup de vie.
Les Gariottes et murs de pierres sèches abandonnés sont de vrais refuges à biodiversité
Je plante pas mal : des arbres, des haies mixtes à feuilles caduques ou persistantes. J’ai un faible pour le laurier-tin : sa beauté, ses fleurs d’hiver, ses fruits adorés des piafs, ses capacités de brise-vent et de brise-vue. J’aime aussi les caraganas avec leurs fleurs très mellifères qui arrivent tôt. Tous sont aussi très appréciés des chevreuils. Je n’achète rien, je récupère des petites pousses ici et là et si elles n’ont pas été anéantis par les cervidés et les lièvres, ou par les sécheresses, elles poussent. Certaines font maintenant plus de trois mètres de haut et se ressèment bien.
Dans les haies, il y a aussi des ronces, clématites, églantiers, tamiers et de nombreux jasmins et chèvrefeuilles des bois et des jardins (ce dernier à limiter car il étouffe vite les copains). Bon, il y a aussi des nichoirs, et des petites planques sur les pierres extérieures car je n’ai pas fait les joints. C’est un vrai squat pour les salamandres, tritons et grenouilles.
Salamandre tachetée
Je me sens désolée pour tous ceux que je n’ai pas cités mais je m’arrête parce qu’il m’est impossible de décrire avec précision toute cette vie qui foisonne ici. Je laisse ma sensibilité primer plutôt que l’intellect des mots : je vis avec mes sens et mes intuitions. Comment vous décrire la joie de se sentir à sa juste place, les émerveillements continuels. Je me rends compte que je n’ai pas parlé du ciel, des nuages, du vent, de la pluie, des étoiles, des levers du jour, des couchers, du givre, des toiles d’araignées ! Décrire tout le bonheur que j’ai à partager la vie ici avec tout ce beau monde ? J’y renonce ! »
Vous souhaitez nous raconter vous aussi l’histoire de votre Oasis Nature ? Proposez votre participation à notre chargée de mission Charlotte Eulry, à l’adresse oasisnature@humanite-biodiversite.fr
*Le prénom a été changé par souci d’anonymat
_________
Photo de couverture : paysage de l’Aveyron
#MonOasisNature : merci pour votre mobilisation !
Poursuivez ici selon votre inspiration...Le 22 mai 2020, Journée mondiale de la biodiversité,...
Visite de l'Oasis Nature du "Jardin éco-poétique du 16 bis"
Le 4 juillet, venez fêter les Jardins ouverts au "Jardin éco-poétique du 16 bis" à...
Traversée de la France à pied : une Oasis Nature semi-sauvage
Humanité et Biodiversité soutient la Traversée de la France à pied de Maxime et Justine. De...
Comment concevoir un jardin en Oasis Nature ?
La conception d'un jardin écologique "Oasis Nature" doit tenir compte de la zone climatique et...
Une prairie fleurie dans votre jardin
Développer une prairie fleurie pour faciliter la biodiversité, c'est idéal si votre jardin est...
Installer un nichoir à oiseaux
Vous aimeriez vous aussi participer à la sauvegarde des oiseaux ? Vous souhaitez un ou des...