Les pins (Pinus spp.)
Publié le 26/11/2024
Tous les feuillus se mettent à perdre leurs feuilles. Celles-ci jonchent le sol et commencent à se dégrader, formant ainsi une couche d’humus riche qui sera bien profitable au printemps pour la germination des graines, qui ont encore quelques mois de répit avant de s'éveiller. Mais le paysage ne perd pas entièrement son manteau vert, car à la froide saison, c’est le règne des conifères, en particulier celui des pins ! Nous les mettons donc à l’honneur dans ce nouveau Zoom Espèce mensuel.
Description
La France abrite une quinzaine d’espèces et sous-espèces endémiques de pins. Parmi elles, on trouve le pin maritime, le pin sylvestre, le pin laricio de Corse, le pin laricio de Calabre, le pin noir et sa sous-espèce, le pin de Salzmann, présent dans les Cévennes et le Languedoc. S’y ajoutent également le pin à crochets, le pin cembro, et bien d’autres encore.
Les pins sont des résineux de la famille des Pinacées (Pinaceae), plantes gymnospermes de l'ordre des Pinales. Leurs feuilles se présentent sous forme d’aiguilles regroupées en faisceaux de 2, 3 ou 5.
De véritables pommes de pin se tiennent debout sur les branches. Ce que l'on appelle couramment les pommes de pin sont leurs inflorescences femelles en forme d'épi. Leurs bractées en forme d'écailles forment une spirale autour d'un axe et se lignifient lentement. À l’inverse, les inflorescences mâles, plus petites, ne se lignifient pas et tombent après la floraison. Il faut savoir que les conifères ont un mode de reproduction bien particulier : sur un même pied coexistent des « cônes » mâles et des « cônes » femelles, d’où leur nom, dérivé du grec ancien konos, qui désignait la « boule à graines ». Les pins commencent à produire des cônes mâles et femelles dès l’âge de 5 ans. La formation complète des graines nécessite entre un an et demi et deux ans.
Plusieurs pommes de pin et cônes
Les caractéristiques et la localisation des différents pins endémiques français sont les suivants :
Pin maritime (Pinus pinaster) : Port élancé et irrégulier, souvent haut avec une couronne étroite et des branches principales bien espacées. pousse principalement le long de la côte Atlantique, notamment dans les Landes de Gascogne. On le trouve aussi en Provence et en Corse, où il s’adapte bien aux sols sableux et pauvres.
Pin sylvestre (Pinus sylvestris) : Port pyramidal jeune, devenant irrégulier avec l’âge. L’espèce est bien reconnaissable par sa couleur orange-rougeâtre dans la partie supérieure du tronc. Il s’étend sur les zones montagneuses comme les Alpes, les Pyrénées, le Massif Central et les Vosges. Il peut également apparaître en plaine, notamment dans le Nord et l’Est de la France.
Pin sylvestre
Pin laricio de Corse (Pinus nigra subsp. laricio) : Port droit, élancé, avec une couronne clairsemée en parasol. Son tronc est sombre. Comme son nom l’indique, il se trouve en Corse, dans les massifs montagneux comme la forêt de Vizzavona et les aiguilles de Bavella.
Pin laricio de Calabre (Pinus nigra subsp. calabrica) : Port semblable au pin laricio de Corse, mais légèrement plus dense avec des branches légèrement plus basses. Il pousse principalement dans des zones similaires à celles du pin laricio de Corse, même si on peut le trouver en France continentale.
Pin noir (Pinus nigra) : Port généralement conique ou pyramidal jeune, devenant plus étalé avec l’âge, couronne dense. Il colonise les régions de basse montagne, notamment dans le Massif Central, les Alpes et les Cévennes.
Pin de Salzmann (Pinus nigra subsp. salzmannii) : Port similaire au pin noir, avec un tronc élancé et une couronne irrégulière. Cette sous-espèce est adaptée aux sols calcaires et secs. Elle pousse dans les Cévennes, le Massif central et certaines zones du Languedoc.
Pin de Villarica ou pin à écorce rouge (Pinus nigra subsp. austriaca) : Droit et dense, proche du pin noir commun. Il se trouve rarement à l’état naturel en France, mais il peut être planté dans les Alpes et le Massif Central. Il s’adapte aux sols calcaires et aux conditions montagnardes.
Pin à crochets (Pinus uncinata) : Port conique compact, adapté aux altitudes élevées, ses branches sont ascendantes à la forme souvent trapue. Il vit dans les Pyrénées et les Alpes à haute altitude. On le trouve sur des terrains pauvres et des pentes rocheuses.
Pin cembro (Pinus cembra) : Port conique étroit ou colonnaire, avec une couronne dense et des aiguilles en touffes. L’espèce s’établit exclusivement dans les Alpes, au-dessus de 1 800 mètres, dans des conditions de froid intense.
Pin mugo (Pinus mugo) : Port buissonnant, rampant ou en coussin compact, idéal pour les environnements alpins. Il pousse dans les Alpes et les Pyrénées, souvent en dessous de la limite forestière. Il préfère les environnements alpins difficiles.
Pin pignon ou pin parasol (Pinus pinea) : Port caractéristique en forme de parasol avec un tronc élancé et une large couronne arrondie. On le rencontre le long du littoral méditerranéen, notamment en Provence, dans le Var et sur la Côte d’Azur.
Pin d’Alep (Pinus halepensis) : Port irrégulier, souvent tortueux, avec une couronne clairsemée. Ses branches sont étalées ou ascendantes. Il se développe sur les côtes méditerranéennes, en Provence et dans le Languedoc, où il résiste bien à la sécheresse.
Pin de Weymouth (Pinus strobus) : Port conique jeune, devenant étalé ou irrégulier avec l’âge avec une couronne souple et gracieuse. Il est rare en France, mais il est parfois cultivé dans les parcs et jardins de régions tempérées ou montagneuses.
Pin de Lord Howe ou pin des Canaries (Pinus canariensis) : Port élancé et pyramidal dans sa jeunesse, puis avec l’âge, il développe une couronne plus arrondie et large au sommet. Il est rarement observé dans un habitat naturel.
Écologie
La pinède, forêt ancestrale
Parmi les espèces les plus présentes sur le territoire, chacune d’entre elles ont des aires de répartition différentes. Par exemple, le Pin maritime (Pinus pinaster) préférera les écosystèmes sableux et pauvres en nutriments, typique des régions atlantique tel que les Landes.
Le Pin sylvestre (Pinus sylvestris) se trouvera plus en région montagneuse car il supportera davantage les températures plus froides et les sols plus acides. Les grands massifs montagneux tels que les Alpes, le Massif central ou encore les Vosges sont des zones où il est particulièrement présent.
Le Pin d’Alep (Pinus halepensis), quant à lui, fréquentera davantage les régions calcaires, aux températures plus chaudes et sèches, caractéristiques de la zone méditerranéenne.
Les pins ont développé au fil des siècles des adaptations toujours plus uniques pour améliorer leur stratégie de survie face à un environnement en constante mutation. En effet, ils présentent aujourd’hui des adaptations tout à fait remarquables au regard des changements climatiques.
Aiguilles de pins
On peut citer par exemple leur tolérance à la sécheresse : grâce à leurs aiguilles caractéristiques qui bénéficient d’une surface réduite et d’une enveloppe cireuse, les Pins sont capables de limiter davantage leur perte en eau que les feuillus. C’est notamment ce que l’on observe lors de l’évapotranspiration : lorsque l’arbre achemine l’eau et les nutriments jusqu’aux feuilles, et régule ainsi ses flux de sève, il émet alors de la vapeur d’eau dans l'atmosphère.
La résistance au feu est également une adaptation phénoménale que les Pins ont développé aux fils des générations. Les espèces de Pins situées en Méditerranée, comme le Pin d’Alep, possèdent une écorce épaisse et des cônes dits « sérotineux » qui permettent à l'arbre de libérer ses graines après un incendie !
C’est une stratégie adaptative adoptée par certaines espèces végétales, qui conservent leurs graines dans des structures protectrices, comme des cônes ou des capsules ligneuses, bien après leur maturation. Ce mécanisme peut durer plusieurs années. Lorsque des conditions particulières surviennent, comme un incendie, la chaleur dégagée par le feu de forêt fait fondre la résine qui empêchait l'ouverture du fruit et permet alors la libération des graines. Ces graines tombent sur un sol dépourvu de toute concurrence immédiate, puisque tout a brûlé, et les cendres vont augmenter son pH, favorisant ainsi leur germination. Cela en fait une espèce pionnière du milieu ayant subi une forte perturbation.
Les Pins et l'Homme
L’essor des pins en France date particulièrement de la seconde moitié du XVIIIᵉ siècle, lorsque des scientifiques et des ingénieurs forestiers ont entrepris des projets de reforestation pour lutter contre l’érosion et la dégradation des terres. L’exemple le plus emblématique est celui des Landes de Gascogne, où les vastes marécages furent asséchés et stabilisés par des plantations massives de pins maritimes sous l’impulsion de Napoléon III. Cette forêt devint un modèle d’aménagement sylvicole, transformant un paysage jugé autrefois improductif, en une ressource économique rentable.
Forêt des Landes
Au début du XXe siècle, le cambium, un tissu végétal responsable de la formation du bois du pin sylvestre, était récolté, séché, broyé, puis mélangé à des farines de céréales. Ce cambium servait de farine panifiable utilisée dans la préparation des « pains d’écorce », de diverses galettes ou encore de bouillie, et était notamment consommé par les foyers scandinaves les plus modestes. D’ailleurs, la recette la plus ancienne connue de « pain suédois », datée de l’an 400 environ, en contenait ! Les Vikings mangeaient également des galettes de farine de pois mélangées à du cambium de pin sylvestre. Plusieurs peuples autochtones, tels que les Samis au nord de la Scandinavie ou encore les Amérindiens, consommaient fréquemment du cambium de pin dans leurs farines ou pour les pignons.
Recette du pesto
Crus, torréfiés ou cuits, vous avez sans doute déjà savouré des pignons de pin, que l’on peut récolter en décortiquant les pommes de pin à la fin de l’été, notamment celles du pin d’Alep et du pin parasol. L’utilisation la plus célèbre des pignons reste, bien sûr, leur incorporation dans la recette du pesto vert !
Les Pins dans une Oasis Nature
L’idée selon laquelle les Pins acidifient le sol, empêchant ainsi la croissance de la végétation en dessous, est largement répandue dans l’Hexagone. Voyons ce qu’il en est réellement.
Tout d’abord, certes les aiguilles de pins sont acides, mais cette acidité dépend du stade de vie de l’aiguille. Les plus acides sont les aiguilles bien vertes, qui sont encore accrochées à l'arbre, et elles perdent nettement en acidité lorsqu’elles jaunissent et tombent ; et encore davantage lorsqu’elles entament leur décomposition au sol. Le pH d’un sol ne se modifie pas si aisément, car il est très stable et dépend avant tout de la roche mère sur laquelle il se trouve. Ainsi, les aiguilles décomposées ou en décomposition, même lorsqu’elles forment une litière au sol, n’auront qu’un impact superficielle sur l’acidité du sol. D'ailleurs, le paillage d’aiguilles de pin, appelé « Pine straw », est très populaire et largement utilisé aux États-Unis.
Mais alors, pourquoi observe-t-on si peu de végétation sous les pins ?
En réalité, les pins possèdent un système racinaire profond et particulièrement développé, généralement trois fois plus grand que la partie visible de l’arbre ! Ce système étendu puise efficacement l’eau et les nutriments du sol, absorbant rapidement toute la pluie et les minéraux disponibles. Ainsi, cela réduit la quantité de ressources disponibles pour d'autres végétaux. En somme, le sol sous un pin reste sec et pauvre en permanence, car peu de plantes peuvent tolérer la présence de racines aussi dominantes.
De plus, si le système racinaire des pins est aussi profond et étendu, c’est grâce aux champignons mycorhiziens, avec lesquels il est généralement en symbiose. A savoir qu'on trouve des mycorhizes chez plus de 80% des plantes terrestres. En effet, les poils absorbants situés sur les racines des pins sont quasi inexistants, ce qui les rend incapables de pousser sans cette association symbiotique. Une mycorhize est une association symbiotique entre des champignons et des plantes. Pour absorber suffisamment d’eau, de nombreuses plantes établissent des symbioses avec des champignons mycorhiziens. Le réseau de mycélium formé par ces champignons augmente considérablement la surface d’échanges entre la plante et le sol, permettant ainsi une meilleure absorption des éléments nutritifs et de l’eau. En contrepartie, la plante effectue la photosynthèse et produit des sucres pour le champignon. Cette symbiose efficace permet aux pins de pousser sur des sols pauvres en nutriments, où beaucoup d’autres espèces ne survivraient pas.
Vous pourrez également trouver de bons champignons dans votre Oasis Nature, comme le délicieux cèpe des pins !
Pin mycorhizé
Vous l’aurez compris, vous aurez besoin de place dans votre Oasis Nature pour héberger un pin. Si vous habitez dans une zone où les sécheresses sont récurrentes, nous ne pouvons que vous encourager à vous en procurer de plusieurs sortes. Ils abriteront, par leur ombre, une flopée d’insectes et de myriapodes, et vous pourrez en profiter aussi !
Vous pourrez aussi admirer le manteau vert de votre conifère lors des courtes journées d’hiver !
Pommes de pin en hiver
Si vous avez un jardin ou même un balcon dédié à la protection de la biodiversité, rejoignez notre Réseau Oasis Nature pour partager votre aventure ! Pour ce faire, il vous suffit d’adhérer, puis de vous inscrire gratuitement au Réseau Oasis Nature.
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Photo de couverture : Pin parasol
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