Les attentes des ONG pour la 3e Conférence des Nations Unies sur l'Océan
Publié le 29/04/2025
La 3e Conférence des Nations unies sur l’Océan (UNOC3) réunira toutes les parties prenantes en lien avec l’océan du 9 au 13 juin 2025 à Nice. Les associations espèrent que cet événement permettra des avancées concrètes pour la protection de la biodiversité marine.
L’ambition de l’UNOC
« Accélérer l’action et mobiliser tous les acteurs pour conserver et utiliser durablement l’océan » est le thème central de cette Conférence organisée par la France et le Costa Rica.
Il s’agit d'un moment d’évaluation de la mise en œuvre de l’Objectif de développement durable (ODD) n°14 - Vie Aquatique, et pas d’un processus de négociation. En effet, l’UNOC n’est pas liée à un traité particulier à l’instar d’une COP.
Il s’agira donc avant tout d’une réunion de toutes les parties prenantes en lien avec l’océan : gouvernements, organisations intergouvernementales, organismes internationaux, ONG, communauté scientifique et société civile, incluant notamment les peuples autochtones et les communautés locales. Loin d’être un vide juridique, le milieu marin est couvert par un nombre important de juridictions et fait l’objet de plusieurs accords internationaux. L’enjeu est de coordonner l’ensemble de ces échelles de gouvernance pour assurer un fonctionnement et des objectifs communs dans la gestion des océans.
Un constat alarmant
Les attentes de l’UICN
Ainsi, des engagements ambitieux pour la préservation de l’environnement marin et du littoral sont nécessaires et concernent :
- le renforcement des Aires Marines Protégées (AMP)
Il s’agit d’obtenir une réelle conservation, d’améliorer la connectivité et de viser une gestion équitable pour 30% des zones marines et côtières. 10% de zones de protection stricte sans possibilités d’activités industrielles préjudiciables à l’environnement semblent également indispensables. Objectivement, elles devraient correspondre aux catégories I et II de l’UICN (Catégories - Aires protégées) et s’accompagner d’un outil d’évaluation des bénéfices pour la biodiversité tel que la Liste verte.
- le renforcement de la protection des écosystèmes et espèces marines
Il conviendrait aussi de mettre en lumière la zone mésophotique, très méconnue et quasi-absente des politiques de conservation. Située entre 30 et 200 m de profondeur, elle est d’une importance écologique capitale en termes de biodiversité, de continuité et de résilience.
Pour les espèces les plus menacées, il s’agit de créer des zones de protection renforcée avec des fermetures saisonnières de pêche ou une réduction de la vitesse des navires. Il existe déjà des travaux d’évaluations indépendants de l’UICN regroupant des aires importantes pour les mammifères marins (IMMAs), les oiseaux (IBAs), les requins et raies (ISRAs), les tortues marines (IMTAs). Encore faut-il les prendre en considération dans l’application de pratiques de gestion durable.
- assurer un avenir durable pour l’Océan
La biodiversité doit faire partie intégrante du concept naissant d’économie bleue régénérative. Pour cela, les connaissances scientifiques doivent s’enrichir afin de mieux connaître ce milieu complexe qu’est l'océan et proposer des réponses aux menaces qui pèsent sur la biodiversité marine. Concrètement, les financements doivent bifurquer de la pêche intensive à des pratiques moins impactantes, mais aussi à la recherche, la protection et la restauration.
Les priorités des ONG
- après une évaluation objective des progrès réalisés, garantir une redevabilité des États et autres acteurs quant à leurs déclarations permettra de passer outre les considérations symboliques, en sus d’actions concrètes au niveau national.
- l’entrée dans une gouvernance efficiente de l’océan via des actions communes peut notamment passer par le Traité des Nations unies sur la protection de la Haute Mer et de la Biodiversité Marine (en anglais BBNJ - Biodiversity Beyond National Jurisdisction) déjà signé par 113 États mais ratifié à ce jour par seulement 21 d'entre eux sur les 60 nécessaires pour assurer son entrée en vigueur. D’autres accords internationaux sont attendus prochainement, tels que le Traité mondial contre la pollution plastique en cours de négociation. Cet événement pourrait aussi être l’occasion pour d’autres États de rejoindre le Moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins. Enfin, l’Accord mondial de Kunming-Montréal adopté lors de la COP15 biodiversité (2022), vise à atteindre l’objectif « 30x30 » consistant à protéger 30 % des espaces terrestres et marins et à restaurer 30 % des écosystèmes dégradés d’ici 2030.
- de nombreux acteurs souhaitent aussi renforcer les liens avec les conventions sur le climat (CCNUCC) et la biodiversité (CDB), et souligner l’interconnexion des 17 ODD avec les enjeux marins.
- enfin, une autre attente des ONG concerne l’élaboration d’une feuille de route ambitieuse pour l’après 2030, fondée sur des valeurs de transparence et d’inclusivité.
Un puissant enjeu sous nos yeux
Si l’implication d’une telle pluralité d’acteurs est une force, la volonté politique doit se consolider à l’échelle internationale. Les solutions existent, leur efficacité est démontrée par la communauté scientifique, leur faisabilité est impulsée par de nombreux organismes, leur acceptabilité progresse positivement lorsque les pêcheurs sont impliqués dans les processus de décision. La conciliation de la préservation de la biodiversité avec une pêche durable est à la portée des États.
Finalement, un enjeu fondamental de cette conférence reste la mobilisation de la société civile. La Plateforme Océan Climat, fédérant 110 organisations, a d’ailleurs été mandatée par les gouvernements organisateurs dans cette perspective. Elle a déjà mis en place de grandes consultations en amont de l’UNOC :
- « Un appel à toutes les voix de l’océan » invitait en 2023 les ONG et fondations à identifier les priorités et a donné lieu à un rapport remis aux présidents français et costaricain.
- Le mouvement « Let’s be nice to the ocean » rassemble une centaine d’organisations de la société civile engagées à faire de la protection des océans « la norme et non l’exception ». Il s’agit également d’inverser la charge de la preuve : c’est à ceux qui veulent exploiter les milieux marins de démontrer une absence de dommages aux espèces et aux écosystèmes, plutôt qu’aux autres acteurs de prouver le préjudice que cela causerait. Une pétition a d’ailleurs été lancée en ce sens. Cette initiative se concrétise par un ensemble de propositions, et par une plateforme numérique qui se veut un lieu de réflexion collective en amont de l'événement en juin.
- L’exercice « Un océan de possibilités : un appel à imaginer le futur de la durabilité de l’océan » permet aux organismes d’imaginer collectivement un futur durable pour l’océan à partir des résultats de la première consultation. Il s’agissait d’identifier via un questionnaire, les mouvements, innovations, politiques ou pratiques susceptibles d’influencer positivement l’avenir des océans. Puis, de réfléchir lors d’un atelier en présentiel, aux moyens de parvenir à une préservation de l’océan.
Conclusion
Humanité et Biodiversité suivra avec attention les initiatives, mobilisations, orientations et engagements pris lors de cet événement. Pour notre association, il ne s’agira pas seulement de rappeler combien les contributions de la nature sont vitales à l’humanité, mais aussi d’exiger le respect de la biodiversité marine dans son ensemble, quand bien même nous n’en tirons pas forcément des bénéfices directs. En effet, nous sommes convaincus que le Vivant doit être préservé pour ce qu’il est, et pas seulement pour ce qu’il peut apporter aux humains.
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En savoir plus : www.humanite-biodiversite.fr/articles/174988-h-b-signataire-de-l-appel-uicn-a-la-protection-des-oceans
Pour aller plus loin :
Webinaire "Aires marines protégées : préserver pêche et biodiversité"
Conférence « L'océan, au cœur des enjeux actuels et futurs »
Nouveau Cahier de la Biodiversité sur le "Pacte européen pour les océans"
L'Écho n°136 : Stratégie Nationale pour la Mer et le Littoral
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