Méthode Miyawaki : recréer rapidement une forêt naturelle
Qui était Akira Miyawaki ?
Décédé en 2021, Ajira Miyawaki était un éminent botaniste et écologue, ayant étudié dans des universités japonaises et allemandes, particulièrement l'écologie des forêts naturelles à partir des zones boisées autour des temples japonais (zones à fort gradient de naturalité et sans intervention de l'homme), et la germination des graines.
Il a créé une méthode de reconstitution de forêts naturelles construite à partir de deux concepts d'écologie liés l'un à l'autre :
- L'écologie rétrospective : elle vise à comprendre les origines des caractéristiques d'un écosystème ou de populations d'espèces et leur dynamique évolutive. Elle est fondée sur des observations de terrains croisées autour de diverses disciplines incluant paléontologie, archéologie et histoire.
- La végétation naturelle potentielle : c'est la végétation qu'on supposerait sur un site s'il n'avait pas subi d'influence humaine significative.
En quoi consiste sa méthode ?
Pourquoi reconstituer des forêts naturelles ?
Miyawaki part du constat qu'en matière de protection des forêts naturelles, le Sommet de la Terre de Rio (1992) a échoué. Lesquelles continuent à régresser et se dégrader. Cette alerte est partagée par de nombreuses autres personnalités comme le professeur Francis Hallé ou encore le chercheur Frédéric Durand. Or, ces forêts naturelles rendent à bon compte de multiples services indispensables à la vie des hommes, que des plantations axées sur la production de bois ne peuvent rendre.
Voir à cet effet le rapport "Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes" de notre Président, Bernard Chevassus-Au-Louis.
Pour Miyawaki, il y a donc urgence pour les hommes à reconstituer des forêts naturelles car les méthodes actuelles sylvicoles, en simplifiant et chuintant les trajectoires écologiques forestières, rendent les forêts moins utiles et surtout moins résilientes face aux changements globaux, climatiques notamment...
Il insiste également pour décrire et protéger les zones où sont présentes des essences ayant naturellement des caractéristiques génétiques remarquables (diversité intraspécifique) ainsi que des banques de conservation de matériel végétal (notamment les banques de graines). Miyawaki est un précurseur car l'UICN, lors du dernier Congrès mondial de la Nature à Hawaï, a indiqué comme "importante" de telles catégories d'aires protégées et leur a affecté la catégorie IV.
Comment reconstituer des forêts naturelles ?
Sa méthode consiste à restaurer des forêts indigènes à partir d’arbres natifs sur des sols sans humus, très dégradés et déforestés et ce, rapidement, de manière très interventionniste compte-tenu de l'urgence. Elle vise à reconstituer un faciès et une structure forestière riche, dense et efficacement résiliente et protectrice en 20 à 30 ans au lieu des 150-200 ans nécessaires en zones tempérées, et 300-400 ans en zone tropicale.
Le séquençage des opérations est le suivant :
- Étude de station : consiste à définir au sein d'une forêt une zone de terrain homogène au plan du climat, du relief, du sol et de la végétation présente, et carte de la végétation existante.
- Carte de la végétation naturelle potentielle : détermination des essences à planter en cherchant une grande diversité, c'est-à-dire les espèces principales et celles d'accompagnement (jusqu'à 60 essences différentes par site en zone tropicale).
- Choix des graines en privilégiant une collecte locale ou à proximité : graines d’essences natives diversifiées et adaptées au même contexte géo-climatique (sol/climat).
- Production en pépinière : germination avec des graines récalcitrantes et des levées de dormance, production de plants mycorhizés et culture en pépinière sur près de 2 ans.
- Préparation du sol en visant à recréer de l'humus et de la litière par apport de matière organique (par exemple = 3 à 4 kg de paille de riz par m2), voire réalisations de buttes si le terrain est inondable.
- Mise en terre de plants (30 cm de haut minimum) de manière très dense : la densité vise à favoriser la compétition entre espèces et l'établissement de relations phytosociologiques. On disposera de manière aléatoire (pas de plantation en lignes par exemple), sauf répartition creux/bosses selon le terrain (dans les creux les essences aimant l'humidité, sur les bosses celles qui l'aiment moins).
Quelques exemples de réalisations
On cite principalement comme travaux de reconstitution de forêts naturelles selon sa méthode (liste non-exhaustive) :
- les terrains autour du port de Yokohama
- les terrains autour du surrégénérateur de Monju
- la reconstitution de la forêt de Bintulu au Sarawak
- la reconstitution de forêt à Concepcion au Chili
- le boisement de la zone économique spéciale de Putong (Shanghai)
Il existe des réussites étonnantes comme celle de la muraille de Chine, dont la technique a permis de reconstituer une chênaie très diversifiée sur de la roche quasi nue. Autre exemple également autour d'une aciérie où une forêt a pu revenir sur un sol minéral et pollué.
Quels sont les avantages et inconvénients de cette méthode ?
Aspects positifs
La méthode Miyawaki est rapide. Par ailleurs, elle inclue la reconstitution d'humus et de litière et via l'usage de plants mycorhizés pour recréer une ambiance fongique forestière. Elle préconise, dans ses expériences asiatiques, la paille de riz comme reconstituant de la litière mais on peut utiliser des produits plus locaux comme le bois raméal fragmenté, les pailles diverses autres que le riz…).
De plus, cette méthode de création de forêt stocke du CO2 dans sa phase de croissance. Elle est également très utilisée pour reconstituer des micro-forêts comme le projet « minibigforêt » à Nantes, et est mise en avant par bon nombre de start'up oeuvrant dans le mécénat forestier comme Reforest action par exemple.
Enfin, elle est très utilisée pour créer des espaces boisés en ville.
Aspects négatifs
La méthode Miyawaki est coûteuse et la plantation n'est guère mécanisable (chantier pénible). De ce fait, elle n'est utilisée que sur de petites surfaces et dans des sites particuliers comme les zones urbaines ou zones de compensation.
En pleine campagne ou en forêt, elle peut vite être affectée par l'environnement. En effet, la surabondance d'herbivores (ongulés, lapins…) peut annihiler la plantation ou nécessiter un surcoût (engrillagement, protection individuelle des plantes, répulsifs…) avec un contrôle des effectifs des animaux concernés (reprise ou tir). A contrario, l'absence de certains animaux disséminateurs de graines (singes ou tapirs en zone tropicale, geais ou écureuils chez nous) en diminuent la diversité et le potentiel de résilience (sauf à les réintroduire aussi!).
De même, une forêt Miyawaki peut être compromise par des déséquilibres sur les terrains adjacents, par exemple une forte dynamique de hannetons sylvestres et chênaies, de pyrales et de buxaies).
Enfin, certains événements comme les tempêtes, les feux ou encore les occupations illégales, peuvent nécessiter des plantations en regarnis.
Les plantations sont diverses en espèces et denses mais ont lieu toutes en même temps (plants de deux/trois ans élevés en pépinière puis introduits). On obtiendra donc un peuplement de même classe d'âge à horizon de 20 à 30 ans qui s'atténuera avec le temps.
Il faudra toujours veiller à analyser les sols en amont car une forêt Miyawaki ne parviendra pas à rééquilibrer les sols des sites fortement dégradés.
C'est une méthode qui a été bien testée en zone tempérée et tropicale, mais dont nous avons peu de retours d'expérience en zone méditerranéenne, boréale et de haute montagne.
Enfin, il ne faut pas oublier que la forêt est mutifonctionnelle et qu'elle a une importante fonction d'accueil (des promeneurs du dimanche aux ramasseurs de champignons en passant par les enfants qui y construisent des cabanes). Pour des questions de sécurité et d'aménagement de base, on ne pourra pas laisser une totale libre évolution sur des espaces forestiers en certains sites (notamment urbains ou touristiques).
La méthode Miyawaki : on l'adopte ou pas ?
Certes coûteuse, c'est éminemment une bonne méthode pour des situations particulières. Elle permet de reconstituer très rapidement une forêt diversifiée en arbres et arbustes, y compris sur des sols extrêmement dégradés, mais elle peine dans l'arrivée de la flore et de la faune forestières.
N'oublions pas qu'elle nécessite une surveillance du terrain et n'exonère pas d'interventions complémentaires pour rectifier les éventuels problèmes survenus lors de la vie du peuplement. On veillera également à la multi-fonctionnalité des forêts dans le choix de libre évolution.
Si vous souhaitez en savoir plus sur cette méthode, Miyawaki possède une abondante bibliographie constituée de plusieurs dizaines de livres, d'articles et de conférences données à travers le monde !
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