La conférence "Une seule santé, en pratique ?" en 3 questions
Récent retraité du ministère en charge de l’environnement, Gilles Pipien a travaillé en tant qu’inspecteur général où il a pu participer à l’évaluation (sévère) des plans nationaux santé environnement. Aujourd’hui encore, et malgré la crise de la Covid-19, il constate un cloisonnement des spécialistes et des administrations en matière de santé environnement et plus particulièrement de lien entre notre santé et la biodiversité. En tant qu’administrateur de Humanité et Biodiversité, il a eu l’honneur de participer à l’émergence des travaux de l’association sur ce lien entre santé humaine et biodiversité, qui nous avait par exemple permis d’organiser en 2014 une conférence nationale à l’école vétérinaire de Lyon, dont les conclusions sont encore très actuelles. À travers cet entretien, il nous en dit plus sur la conférence du 17 mars « Une seule santé, en pratique ? ».
Pourquoi organiser cette conférence ?
L’être humain étant un être vivant, il est clair que santé humaine, santé animale, santé végétale et fonctionnement des écosystèmes sont uns et liés !
Il est donc temps de faire régulièrement se rencontrer les scientifiques de diverses disciplines, puis d’échanger avec des décideurs et acteurs, afin de faire évoluer notre compréhension, et d’avoir une réelle approche globale de la santé. C’est ce qui a amené Humanité et Biodiversité, avec des partenaires associatifs comme les médecins de l’Association santé environnement France (ASEF), la fédération des syndicats vétérinaires français (FSVF), France Nature Environnement (FNE), mais aussi la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB), à organiser à nouveau à l’école vétérinaire de Lyon, VetAgroSup, une conférence régulière « Une seule santé, en pratique ? ». Notre objectif ? S’appuyer sur ces regards croisés pour faire un état de la science, un point des actions publiques, et proposer des évolutions des politiques publiques.
La crise sanitaire Covid-19 nous le montre encore aujourd’hui : notre santé dépend de la biodiversité.
Même si le détail reste encore flou, la pandémie de Covid-19 puise son origine dans d’incontestables erreurs liées aux contacts entre faune sauvage et humains aggravant les propagations (commerce ou trafic d’animaux, amplification des densification démographiques urbaines, déplacements de marchandises et de personnes, etc).
Ceci a amené des scientifiques à rappeler combien notre société, par son fonctionnement et son impact sur les écosystèmes, se rend d’elle-même sensible, fragile, aux pandémies : ils s’appuient sur de nombreux exemples anciens comme la peste mais aussi très contemporains comme Ebola, Mers ou encore SARS-Cov-1. En effet, dans les équilibres dynamiques du vivant, depuis son origine, il y a une course continuelle à l’adaptation, notamment entre pathogènes (agent capable d'engendrer une lésion ou de causer une maladie chez les animaux ou chez les plantes) et anti-pathogènes. Dans les écosystèmes sauvages, l’équilibre dynamique évite en général trop de destructions d’espèces du fait de telle ou telle agression sanitaire. C’est le cas notamment des zones humides permanentes où poissons, batraciens, odonates, oiseaux, ou chauve-souris se délectent de moustiques. Mais, lorsque l’homme modifie fortement son environnement, par exemple, en créant des rizières (zones humides temporaires), il fait disparaître les prédateurs des moustiques et de leurs larves ! En découle une flambée de maladies comme l’infection par le virus West Nile.
L’impact sanitaire, économique et social de la crise actuelle n’est pas à exagérer : il est terrible. Il est donc temps de comprendre pourquoi on en est là, et que faire, ensemble, pour agir.
Et ce, en dépassant les spécialités, tant des scientifiques et professionnels (médecins pour la santé humaine, vétérinaires pour la santé animale, agronomes et biologistes pour la santé végétale, écologues pour le fonctionnement des écosystèmes), que des décideurs publics nationaux (chaque ministère ayant son entrée, son secteur) et locaux (qui dit écosystèmes dit de fait territoires : chaque territoire a ses problématiques propres).
Nous proposons donc de faire régulièrement, ensemble, en regards croisés, l’état de la science dans chaque domaine, mais surtout à la croisée des domaines ! Mais il s’agit aussi de dresser le bilan des actions publiques, puis de se projeter vers des améliorations, c’est-à-dire des politiques publiques adaptées, depuis la recherche à l’action locale, en passant par la formation des acteurs et professionnels, le recueil et l’analyse de données croisées, l’évolution du cadre institutionnelle (lois et règlements mais aussi mode d’organisation publique, etc.).
La préparation en cours du projet de quatrième plan national santé – environnement (PNSE4) peut être l’occasion d’y insérer des actions en fonction de nos travaux.
Il est temps que la France soit aussi exemplaire sur son propre territoire national !
Notre volonté d’une telle conférence est également issue de la mobilisation internationale de la France exemplaire en 2020, avec son initiative pour la création d’un réseau international d’experts sur ce champ « une seule santé » ou « one health ». En cette année 2021, notre pays jouera encore un rôle essentiel suivant deux axes : l’un inauguré par le « One Planet Summit » du 11 janvier 2021, portant appel à mobilisation pour le climat et la biodiversité (la biodiversité entrant pour la première fois à égale préoccupation que le changement climatique) ; l’autre par une présence active lors de deux événements internationaux majeurs sur la biodiversité : (i) la 15ème conférence des parties de la convention pour la diversité biologique, (ii) le congrès mondial de l’UICN qui se tiendra à Marseille en septembre 2021.
Quels sujets seront abordés et à qui s'adressent-ils ?
Les organisateurs s’appuient sur un comité scientifique pluridisciplinaire, dont ils ont confié l’animation à la directrice de la FRB : médecins, vétérinaires, agronomes, écologues, mais aussi philosophes, ethnologues, sociologues, juristes, économistes… Avec eux, il est apparu utile d’approfondir sept thématiques, dont quatre plutôt techniques et trois plus orientées sur la mise en œuvre.
Pour illustrer la complexité du vivant à l’échelon microscopique, l’atelier 1 est consacré aux microbiotes. Mais il faut aussi penser cette complexité en la réinsérant dans les cadres organisationnels, économiques et d’aménagements qui ont été mis en lumière par la crise de la COVID 19. Sont notamment abordés dans les ateliers 2, 3 et 4, les liens entre agriculture et alimentation au cœur de l’émergence de pathologies infectieuses, la prise en compte plus intégrée de la faune sauvage et, enfin, les impacts d’un usage massif des biocides sur notre santé, soit directement, soit indirectement par des atteintes à l’environnement.
Notre conférence gagnera enfin à combiner une réflexion sur les politiques publiques, notamment sur les liens entre les échelles d’action publique (territoriale, nationale, européenne et internationale) dans les ateliers 5 et 6, avec une analyse prospective de la formation des différentes parties prenantes à commencer par les professionnels de santé dans l’atelier 7. Par la réunion d’acteurs de divers horizons, la conférence propose de mettre en discussion la prévention et notre modèle de gestion des crises sanitaires et, de penser les contours d’une nouvelle gouvernance de la santé à l’échelon national, européen et international.
Cette journée propose en particulier quatre niveaux de questionnement :
- Quelles sont les connaissances scientifiques en médecine humaine et vétérinaire, en agronomie, en écologie ou en sciences sociales qui fondent le débat ?
- Où en sont les politiques publiques dans les territoires ?
- Comment penser les relations entre initiatives locales, pilotage national et normes européennes et internationales ?
- Quelle formation pour les décideurs et les professionnels de santé ?
Cette conférence permettra ainsi à différents acteurs de croiser leurs regards, entre scientifiques, décideurs et acteurs publics, dans une optique d’enrichissement mutuel, de façon à penser les contours des politiques publiques.
De fait, la conférence s’adresse d’abord à des professionnels, mais ces sujets touchent directement notre santé, et donc intéressent le grand public.
Quels sont les objectifs de la conférence ?
L’objectif est donc bien concret : que faire, comment agir, et donc quelles politiques, tant nationales que locales ?
Ceci suppose d’analyser, par exemple, « l’autre pandémie » actuelle : la grippe aviaire. Et de se poser des questions de prévention, véritable fil rouge de nos débats sur l’ensemble des champs qu’interpelle le concept « une seule santé », pas seulement de gestion de crise dans l’urgence.
En effet, la faune domestique, élevée notamment pour notre alimentation, est devenue largement prépondérante sur terre par rapport à la faune sauvage. Outre la question du bien-être animal largement mis à mal par les fortes concentrations et les méthodes tant d’élevage que d’abattage, la forte réduction des races et, en leur sein, de la variété génétique, fragilise énormément les élevages. La grippe aviaire devient alors récurrente.
Les approches, indispensables, en termes de biosécurité aboutissant aux terribles échecs de l’abattage de troupeaux entiers ne peuvent pas être la seule réponse ! Ces mesures préventives et réglementaires visant à réduire les risques de diffusion et transmission de maladies infectieuses chez l’homme, l’animal et le végétal risquent même de faire croire, à tort, à une fausse immunité. D’autant que la biomasse, cet ensemble de matière organique d'origine végétale ou animale, tend à faire penser que les micro-organismes pathogènes s’adapteront pour poursuivre leur évolution et leur survie : la tuberculose bovine est un exemple de maladies que transmettent les bovins à des animaux sauvages, comme les blaireaux !
Au-delà des analyses sectorielles précitées, indispensables, notre préoccupation se porte sur l’importance d’une vision plus globale.
Doit-on rappeler que la déforestation causée par la culture de l’huile de palme a mis en contact des chauves-souris porteuses de virus (MERS) avec des porcs et des humains ? Doit-on rappeler que l’élevage intensif de canards dans le Sud-Ouest est directement lié à la culture intensive de maïs marquée par une forte consommation d’eau, de pesticides et de peu de variétés (OGM) ? Doit-on rappeler l’importance des micro-organismes dans les sols et notre microbiote… et donc des interrelations de notre microbiote avec le fonctionnement local de socio-écosystèmes ?
L’une des approches pertinentes de cette globalité passe par un travail au niveau des territoires, en faisant les liens entre aménagement, alimentation, agriculture, écosystèmes, etc. Il s’agit de déterminer les savoirs à ces échelles, les interdisciplinairités, les indicateurs, les outils pour les décideurs… et, plus globalement, on voit alors, par exemple, l’importance de réinterroger le modèle global sur les systèmes agroalimentaires.
Comment aider les acteurs locaux et les populations locales à s’approprier cette approche globale (« empowerment ») ? Quelle prévention avec quels coûts entre l’inaction et la réparation des dégâts post-crise et catastrophe ? Quelles recommandations concrètes pour l’action et pour les politiques ?
Voici les réponses que nous obtiendrons à l’issue de notre conférence « Une seule santé, en pratique ? ». Nous vous donnons rendez-vous en ligne pour participer à ces débats qui sont plus que jamais d’actualité !
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