Les ténébrions (Tenebrionidae)
Les ténébrions sont une des nombreuses familles de Coléoptères. C’est en fait celle du Ver de farine, bien connu des pêcheurs et dont l’adulte est nommé Ténébrion meunier (Tenebrio molitor). Méconnue et peu étudiée, les spécialistes de cette famille se comptent sur les doigts des quatre mains, soit une vingtaine dans le monde ! Les ténébrions sont un groupe important comprenant actuellement plus de 20 000 espèces dans le monde dont près de 250 en France.
Des ténébrions partout dans le monde
On rencontre les ténébrions dans presque tous les types de milieux, du niveau de la mer jusqu’à plus de 5 000 mètres d’altitude dans les Andes ou dans les montagnes d’Asie centrale. S’ils sont plus abondants et diversifiés dans les zones arides ou tropicales, on en rencontre également sous toutes les autres latitudes.
Les adultes ont des niches écologiques et régimes très variés. Par exemple, certaines espèces vivent dans des champignons d’arbres, d’autres sont dites myrmécophiles lorsqu'elles vivent en association symbiotique externe avec les fourmis. Beaucoup de ténébrions sont des nettoyeurs et mangeurs de matière organique et certains, comme les Tribolium, infestent les denrées stockées comme la farine. D’autres encore se nourrissent de bois mort et recyclent la matière, ou bien vivent dans les fumiers et les composts. On trouve même des pollinisateurs parmi eux, comme les Alleculinae. Les larves, souvent cylindriques et de type ver de farine, sont généralement mycétophages (se nourrissent de champignons) ou saprophages (se nourrissent de substances organiques en décomposition).
Les ténébrions, ces coléoptères résistants et variés
Les ténébrions sont des Coléoptères : ils possèdent une carapace plus ou moins dure qui recouvrent leurs élytres (un élytre est une aile durcie et cornée). Ces derniers sont souvent soudés et épais, avec les ailes postérieures réduites à des moignons, les rendant aptères et donc inaptes au vol. Beaucoup de ténébrions étant très limités dans leurs déplacements, de très nombreuses espèces micro-endémiques ont pu se développer. Par exemple, aux Îles Canaries et dans les îles grecques, chaque île possède ses propres espèces de Ténébrions qui ne se retrouvent nulle part ailleurs dans le monde.
Beaucoup d’espèces vivant dans les déserts et les zones arides ont développé une carapace épaisse avec des pores émettant une cire étanche qui leur permet de retenir l’eau dans leur corps. En captivité, les ténébrions peuvent donc vivre très longtemps avec un minimum à disposition.
Extrêmement variés en taille (de 1 mm à plus de 7 cm) et en formes, ils copient des représentants des différentes familles d’insectes. Ils imitent des coccinelles (Diaperis), des carabes, des capricornes (Omophlus), des fourmis (Dichillus) ou encore des cailloux (Asida). Toutefois, en dépit de cette insolente variabilité, ils possèdent un point commun par rapport à toutes les autres familles de Coléoptères : une formule tarsale dite hétéromère (5-5-4) et des hanches antérieures rebordées en arrière. Certes, c’est un peu technique, mais c’est bien ce qui les caractérise scientifiquement parlant !
Une faculté d'adaptation exceptionnelle
Parmi les Coléoptères, les ténébrions occupent une place particulière pour diverses raisons. En effet, dans beaucoup de familles de Coléoptères, l’écologie des différentes espèces est très similaire : bousiers, carabes, coccinelles, longicornes, chrysomèles, etc.
De nombreuses espèces vivent dans les déserts et se sont adaptées à leur milieu : activité crépusculaire, nocturne ou matinale, très longues pattes leur permettant de ne pas avoir le corps en contact avec un sol surchauffé, sculpture leur permettant de recueillir de rares gouttelettes d’humidité, système d’étanchéité limitant les pertes en eau. Beaucoup sont également spécialisées dans les systèmes dunaires littoraux, liés à des taux d’humidité et de salinité bien précis et recyclant la matière organique sur les plages (cadavres, laisses de mer, végétaux morts, excréments secs). On trouve même des espèces strictement halophiles (qui s'accommodent ou ont besoin de fortes concentrations en sel pour vivre) au bord des salines et des lagunes dans les zones désertiques. Certains éléments forestiers sont des prédateurs spécialisés de larves de scolytes et vivent dans leurs galeries (Corticeus). Quelques espèces spécialisées trouvent refuge dans les fourmilières, qu’il s’agisse de celles en dôme qu’on trouve en forêts ou de celles qui sont sous les pierres.
D’autres, floricoles, sont des pollinisateurs. Beaucoup d’espèces se développent dans des champignons d’arbres bien précis (Polypores), notamment sur les amadouviers, et finissent par les réduire en poussières. Enfin, quelques autres vivent dans les grottes (troglophiles) et se nourrissent en partie du guano des chauves-souris.
Une réputation ternie par l'Homme
Certains ténébrions ont depuis longtemps côtoyé l’Homme, on parle alors d’espèces synanthropes. Une poignée d’espèces sont considérées comme des pestes pour les denrées alimentaires stockées (Tribolium, Tenebrio, Gnatocerus, Alphitobius, etc.). Mais relativisons ! Elles ne s’attaquent aux denrées que lorsque celles-ci sont plus ou moins altérées et moisies.
Beaucoup, comme les grands Blaps, sont des nettoyeurs dans les caves, les pigeonniers ou les étables. Toutefois, le remplacement de la terre battue par le béton les a fait disparaître de beaucoup d’endroits et ils se sont considérablement raréfiés de nos jours.
De plus, une réputation ancestrale non fondée de « présage de mort » n’a pas favorisé leur conservation. Aux côtés de l’Homme, les ténébrions sont nombreux dans les dépendances des habitations (caves, greniers, silos, étables, clapiers, poulaillers, etc.) et certaines espèces ont vu leur aire accroître avec le transport des marchandises depuis au moins l’Antiquité. On peut par exemple citer le spectaculaire Elénophore collaire (Leptoderis collaris), originaire des grottes sèches et souterrains de France, Italie et Espagne, distribué passivement dans tout le Bassin occidental de la Méditerranée par les Romains.
LE SAVIEZ-VOUS ?
Les larves de vers de farine sont utilisées, comme les grillons, pour nourrir des animaux en captivité mais constituent aussi actuellement une manne alimentaire pour l’Homme. Grillées et séchées, ces larves rentrent de plus en plus dans la constitution d’aliments et de farines ou sont consommées telles quelles par les humains. Il existe ainsi de véritables « fermes » d’élevage industriel de larves de ténébrions. Ces élevages sont peu consommateurs et fournissent une alimentation plus protéinée que les viandes que nous consommons quotidiennement.
Les ténébrions dans une Oasis Nature
Si vous possédez un bâti un peu ancien, essayez de conserver la terre battue dans la cave, le poulailler ou l’étable ainsi que des abris (bottes de paille, planches, briques, grandes pierres, tas de bois, etc). Les poules consomment adultes et larves, nourriture très riche en protéines, et ces derniers ont besoin des excréments séchés mélangés aux plumes pour se développer car ils s’en nourrissent.
Si vous possédez des vieux arbres creux, laissez-les en l’état et ne nettoyez surtout pas les cavités ! De même, lorsqu’une chouette niche dedans, les pelotes de réjection constituent une nourriture appréciée des ténébrions. Les tas de compost sont également recherchés.
En zone méditerranéenne, les jardins en terrasse de pierres ainsi que les vieux murs constituent de bonnes niches écologiques pour les ténébrions, qui se nourriront de litière de feuilles sèches et de débris végétaux. Ils trouveront sous les pierres ensoleillées des abris pour la journée voire des fourmilières avec lesquelles cohabiter. Mais attention à ne pas traiter avec des pesticides !
Qu'ils agissent comme pollinisateurs ou nettoyeurs naturels, les ténébrions peuvent s'avérer très utiles au jardin. Il ne tient qu'à vous de laisser la biodiversité s'épanouir librement dans votre Oasis Nature !
Merci à Fabien Soldati pour son expertise, ses photos et sa contribution à cet article.
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