Les champignons et leur cueillette
Qu'est-ce qu'un champignon ? Comment les ramasser ? Bénéficient-ils d'une protection particulière ? Comment les préserver dans votre Oasis Nature ? Autant de questions auxquelles nous avons tenté de répondre dans cet article. Entrez dans le monde mystérieux de la fonge !
Le champignon : animal ou végétal ?
Après avoir été considérés comme végétaux, les champignons ont été classés dans un règne à part, distinct des règnes animal et végétal. Ils sont dits hétérotrophes : ils se nourrissent à partir d'éléments organiques existants, à la manière des animaux, mais ne produisent pas leur propre nourriture comme le feraient les plantes à partir du gaz carbonique, de la lumière et de l'eau. Les champignons absorbent leur nourriture à travers leur paroi cellulaire grâce aux enzymes dont ils disposent, contrairement aux animaux qui ingèrent leur alimentation.
Notre vision du champignon repose sur un phénomène temporaire lié à sa fructification : l'apparition d'un carpophore (le chapeau et le pied, en sommes, ce que l'on voit et que l'on ramasse).
Mais alors, qu'est-ce qu'un champignon ? C'est en réalité un être souterrain colonisant de manière permanente le sous-sol par un chevelu de filaments dont l'ensemble s'appelle le mycélium. Ces filaments se reproduisent par des spores, ne possèdent pas de fleurs et développent naturellement une reproduction asexuée (comme un clonage). Leur paroi est constituée de chitine, une substance solide et imperméable dont les carapaces des insectes sont formées.
La grande majorité des champignons est microscopique. Ils constituent une part très importante de la biodiversité estimée à 1,5 million d'espèces dans le monde (le second groupe le plus riche en espèces après les insectes). En France métropolitaine, le nombre d'espèces est estimé à 30 000.
Image : Aspergillus (champignons filamenteux, de type moisissure, dont la colonie se présente sous forme duveteuse)
Les champignons, ces êtres vivants indispensables à la vie
Sans champignon, pas d’arbre et donc pas de forêt ! Les champignons recyclent déchets et organismes morts (bois, feuilles...), mettant ainsi des nutriments à disposition des autres êtres vivants. Certaines espèces de champignons prélèvent cependant leur nourriture sur d'autres êtres vivants : ce sont les champignons parasites. Ces derniers ont des répercussions positives en assurant la régulation des espèces parasitées, en surnombre. C'est le cas de la chenille processionnaire du pin, Thaumetopoea pityocampa, qui est bien connue pour les préjudices causés aux pins et pour les allergies provoquées par ses poils urticants. Cette espèce de chenille est parasitée par les spores du champignon Cordiceps militaris.
Mais les champignons parasites ont aussi des répercussions négatives, notamment sur les cultures, les animaux et la santé humaine. Le muguet du nourrisson en est le parfait exemple.
Comme pour la flore et la faune, il existe des champignons invasifs tel que le Batrachochytrium dendrobatidis. Tout droit venu d'Amérique du Sud et apparu récemment en Europe, ce champignon parasite les populations de crapauds accoucheurs et d'autres amphibiens.
Enfin, beaucoup de champignons sont dit mycorhiziens, issus d'une alliance à bénéfice réciproque entre un champignon et une plante. Le champignon entoure les racines des plantes, y prélève les glucides produits par celle-ci et lui fournît en retour eau et sels minéraux, gages d’une croissance réciproque. La population de champignons mycorhiziens est loin d'être anecdotique ! 95 % des plantes terrestres sont mycorhizées, des arbres jusqu'aux herbes.
Sans champignons, pas de pain, pas de vin et pas de fromage ! Ils sont donc indispensables à notre alimentation, mais aussi à notre santé (pénicilline). Saviez-vous que la levure du boulanger est en réalité le champignon Saccharomyces cerevisae ? Les champignons représentent également une piste d'avenir en matière de biotechnologies (dépollutions, mycodiesel).
Bien connaître la vie des champignons permet de bien savoir les récolter !
Des champignons au rythme des saisons
La pousse des champignons est très variable, il y a des années à champignons et des années sans. Elle dépend des variations de température dans l'air et le sol, mais surtout de la pluie et l'humidité. La pousse aura une durée limitée de l'ordre de 5 à 7 jours. Les mycologues appelle ce phénomène "une volée". En France métropolitaine, le calendrier de la cueillette commence à la fin du printemps pour finir à l’automne et varie en fonction des régions, de la météo, des espèces...
Vous trouverez généralement les morilles à partir du mois d’avril, s’il est doux. Fin mai ou début juin, les premières girolles et cèpes d’été sortiront de terre. Les autres chanterelles, la très appréciée Trompette de la mort (Craterellus cornucopioides), les lépiotes et les cèpes ne sortiront qu'une fois l'automne venu.
Mais certaines espèces sont peu frileuses et supportent très bien les basses températures de l'hiver.
Lors d'une balade hivernale en forêt de feuillus, vous trouverez peut-être un Pied-de-mouton (Hydnum repandum) sous un vieux chêne ou un châtaignier ou une Coulemelle (Macrolepiota procera) dissimulée parmi les fougères. Sur les troncs, vous pourrez éventuellement découvrir un regroupement de Pleurote en huître (Pleurotus ostreatus), qu'on appelle à juste titre Pleurote d'hiver. Le Pied bleu (Lepista nudaau) et la Chanterelle grise (Cantharellus cinereus) sont deux champignons d'hiver qui se développent aussi bien en forêt de feuillus que de conifères.
Image : Macrolepiota procera, la lépiote élevée, appelée communément coulemelle
La cueillette des champignons ne s'improvise pas !
Espèces comestibles et non comestibles
Cueillir des champignons en forêt est une excellente activité de découverte de la nature que l'on peut pratiquer en famille. Le fait de rapporter les fruits de ses découvertes donne à la promenade un aspect ludique et prolonge le plaisir de la sortie par ceux de la gastronomie. C'est aussi une bonne manière de découvrir le milieu naturel à travers ce règne si particulier que celui des champignons. Mais encore faut-il bien les connaître et être sûr de ses trouvailles pour éviter l'intoxication ! Il est indispensable de bien connaître ce que l'on ramasse. Si vous ne connaissez rien au champignons, abstenez-vous ! De nombreuses associations naturalistes ou de mycologie organisent des rencontres ou des sorties, comme la Société Mycologique de France. C'est l'occasion d'y participer !
Voici 8 règles essentielles respecter pour une cueillette de champignons en toute sécurité :
- Assurez-vous que le lieu de récolte n'est pas pollué : on pensera notamment au bord des routes et au coprin chevelu habitué de tels endroits soumis aux gaz d'échappement des véhicules.
- Cueillez des individus frais : évitez de cueillir les champignons en cours de décomposition ou trop humides. Choisissez-les toujours entiers (avec pied et chapeau mais sans arracher le mycélium).
- Ne conservez pas vos récoltes : les champignons doivent être cuisinés et mangés le plus vite possible une fois cueillis.
- Munissez-vous d'un guide à champignons récent : dans les vieux ouvrages, des espèces données comme comestibles se sont révélées être toxiques, comme le tricholome doré (Tricholoma auratum) ou le gyromitre (Gyromitra esculescens).
- Évitez toute espèce dont vous doutez et toutes celles pouvant être confondues, par exemple le Tricolome séparé (Tricholoma sejunctum) et l'amanite phalloïde (Amanita phalloides).
- Ne détruisez pas les espèces toxiques ou sans intérêt culinaire : elles participent au bon développement de l’écosystème auquel elles appartiennent.
- N'en donner pas à vos enfants : par mesure de sécurité, il est préférable de ne jamais donner aux jeunes enfants les champignons que vous avez cueillis.
- Les champignons sont à consommer avec modération et toujours bien cuits, ils sont plus un condiment qu'un aliment.
Des réglementations différentes selon la zone de cueillette
La cueillette des champignons et sa réglementation sont motivées par les considérations suivantes : assurer la sécurité alimentaire, sauvegarder l'environnement et régler les litiges entre propriétaires et cueilleurs. Les textes nationaux complétés par des arrêtés préfectoraux et municipaux forment les différentes sources de réglementation relatives. Le Code civil rappelle via l'article 547 que les champignons sont considérés comme des fruits appartenant au propriétaire du site, à la différence de la faune sauvage (considérée comme res nullius, c'est-à-dire n'appartenant personne). Leur cueillette n'est possible que sur autorisation du propriétaire du terrain. On notera que la jurisprudence constante en la matière, précise que le propriétaire du sol n'est pas obligé de clôturer son bien ou d'en interdire l'accès par affichage ou autre.
Sur certains sites, la divagation de chercheurs de champignons peu scrupuleux ratissant littéralement les sites de pousses peut poser problèmes. La cueillette en forêt publique est soumise à autorisation à la réglementation préfectorale éventuelle. Toutefois, les cueillettes à caractère familial sont tolérées. Pour limiter d'éventuels abus, des peines spécifiques pour enlèvement abusif sont prévues (article R 331-3 du Code forestier). Au cas particulier des biens communaux, la cueillette appartient aux habitants de la commune (article 542 du Code civil). Certaines zones particulières tels que les parcs nationaux ou les réserves naturelles et biologiques connaissent des restrictions particulières ; on n’y cueille qu'avec les yeux ou un appareil photo !
Si dans les codes ruraux et de l'environnement figurent les textes de base permettant une réglementation spécifique des champignons sauvages, l'arrêté ministériel du 13 octobre 1989 transfère le pouvoir réglementaire en la matière aux préfets. Un certain nombre de départements ont réglementé la cueillette des champignons sauvages (Aude, Ille et Vilaine, Lozère, Vosges, Aube, Jura, Bas Rhin, Territoire de Belfort, Doubs, Haute Loire et Haute Saône). Ces arrêtés limitent la cueillette (de l'ordre de 2 à 5 kg par jour et par personne), contingentent les périodes de ramassage, proscrivent l'emploi d'outils (pioche, serfouette, râteau) et interdisent le colportage. Ces arrêtés s'appliquent à tous, propriétaires comme personnes autorisées. Les arrêtés municipaux règlent les conditions de vente des champignons (liste d'espèces autorisées la vente, système de contrôles). Une vingtaine de villes ont pris des arrêtés en ce sens.
Image : cueillette de girolles
Les champignons, ces oubliés de la conservation de la nature
Menace sur la fonge
Les champignons sont fortement menacés par :
- la pollution des sols, notamment par les apports atmosphériques (acidification due aux oxydes de soufre et d'azote),
- les pollutions d'origine agricole (engrais et produits de traitement) ;
- les modifications des pratiques agricoles (disparition de l'élevage extensif favorisant les habitats semi naturels très riches en espèces, perturbations mécaniques des sols par usage d'engins),
- l'urbanisation effrénée par augmentation des surfaces revêtues et fragmentation accrue,
- l'appauvrissement en bois mort et la concurrence avec le bois énergie.
A contrario, certaines pratiques favorisent la fructification des champignons et donc leur dissémination par spores. Ainsi, la fermeture du milieu par l'envahissement de végétation, par exemple des ronces, diminue l'incidence des facteurs climatiques propices à la pousse des champignons. Un dégagement laissant pénétrer soleil et eau sont favorables aux pousses.
Pas d'espèces protégées au niveau national
Une trentaine d'espèces, comme l'Hydne hérisson (Hericium erinaceus), ont été proposées sans succès à l'inscription dans la Convention internationale de Berne pour avoir un statut de protection. Si les champignons font l'objet de listes rouges dans le monde entier à l'instar des autres règnes, il n'y a que les pays scandinaves qui ont véritablement arrêté une liste d'espèces protégées de champignons. La liste rouge des champignons menacés en France métropolitaine est depuis plusieurs années en cours d'élaboration.
Il existe, à notre connaissance, une seule réserve mycologique au monde : la réserve de la Chanéaz en Suisse dans le canton de Fribourg. Créée en 1975, d'une surface de 75 hectares, cette réserve a des objectifs scientifiques et de conservation. La cueillette des champignons y est proscrite, exceptée à des fins de recherches scientifiques. Cette réserve existant depuis 47 ans, elle dispose de données sur l'évolution et la dynamique de la flore fongique exceptionnelle. On gagnerait à multiplier cet exemple dans d'autres pays.
Les champignons dans votre Oasis nature
Les champignons sont indispensables à la vie des écosystèmes. Dans votre Oasis Nature, ils recycleront déchets et organismes morts (bois, feuilles...).
Installez des plants mycorhizés
De nombreux pépiniéristes proposent des plants mycorhizés. Si les conditions d'humidité et d'ensoleillement sont réunies, vous aurez peut-être le plaisir de découvrir, dans votre jardin, une pousse de champignon ! Il convient de prendre garde à l'espèce de ce champignon car les plants ne sont pas tous mycorhizés avec des espèces comestibles et la pousse peut concerner une autre espèce venue opportunément dans votre Oasis Nature.
On notera que sont proposés à la vente principalement des plants mycorhizés de :
- pins à deux aiguilles (sylvestres, noirs, maritimes) avec des lactaires délicieux (Lactarius deliciosus) et des cèpes de pins (Boletus pinophilus),
- pins à cinq aiguilles (pin cembro et pin strobus) avec le bolet ivoire (Suillus placidus),
- mélèzes avec diverses espèces du genre Suillus...
De même, utilisez vos déchets d’épluchure de champignons pour les épandre au pied de vos arbustes et arbisseaux. Cela favorise la venue de mycélium, si utile aux végétaux.
Image : champignon issu d'un plan mycorhizé de pin
Protégez les champignons de votre jardin !
- Bannissez les produits phytosanitaires
- Limitez les surfaces revêtues
- Favorisez une grande diversité d’espèces
- Réservez une surface libre de toute végétation envahissante pour laisser passer le soleil et la pluie, deux éléments essentiels à leur développement
Ne vous débarrassez pas du lichen
Les lichens sont des organismes constitués par l'union d'une algue et d'un champignon. On pourrait être enclin à penser que les lichens sont des parasites qui vont affaiblir les arbres et arbustes, mais il n'en est rien ! Les lichens n'ont pas de racines et ne prélèvent pas d'éléments nutritifs sur leurs hôtes. Leur nombre et leur variété est au contraire un signe de qualité de l'air ambiant. Laissez-les, ils apporteront sur les troncs et branches une note de couleur !
Les champignons représentent une composante importante de la biodiversité et Humanité et Biodiversité a à coeur de défendre des mesures de conservation leur égard. Vous aussi, préservez-les au sein de votre Oasis Nature !
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