COP15 biodiversité : adoption d'un "Pacte de paix avec la nature"
Publié le 22/12/2022
Les 195 pays membres réunis à Montréal pour la 15ème Conférence des Parties à la Convention pour la Diversité Biologique (COP15 Biodiversité), ont adopté lundi 19 décembre le nouveau cadre mondial de la biodiversité : le "Pacte de paix avec la nature". La biodiversité à l’échelle mondiale subit une dynamique d’effondrement que le précédent cadre international - "les Objectifs d’Aichi" - n’a pas permis d’enrayer. Ce nouveau cadre prévoit quatre objectifs pour 2050 et 23 cibles d’action à atteindre à horizon 2030 que nous vous présentons de manière non-exhaustive dans cet article.
À l'horizon 2050 : pas d'engagement chiffré sur l’augmentation de la surface des espaces naturels
Le nouveau cadre appelé « Pacte de paix avec la nature » présente quatre objectifs de long terme à atteindre à horizon 2050 :
- Le maintien et la restauration des écosystèmes afin d’augmenter la surface en écosystèmes naturels, mais il est regrettable que cet objectif ne soit pas chiffré. L’extinction des espèces menacées devra être interrompue tandis que le taux d’extinction et le risque d’extinction de toutes les espèces devront être divisés par 10. Cet objectif de division par 10 plutôt qu’un objectif de zéro extinction pour toutes les espèces nous semble peu ambitieux pour 2050...
- La gestion durable de la biodiversité
- Le partage des bénéfices découlant des ressources génétiques
- L’augmentation des moyens - notamment financiers - à dédier à la biodiversité. C’est une avancée importante qui montre que les dirigeants politiques commencent à comprendre que la biodiversité est un enjeu majeur du siècle pour l’humanité.
Notons que dans les considérations pour la mise en œuvre du Pacte, les liens entre biodiversité et santé sont reconnus et l’approche « une seule santé » (ou « One Health »), défendue depuis longtemps par Humanité et Biodiversité, est préconisée.
À l'horizon 2030 : protéger 30 % des terres et des mers, restaurer 30 % des écosystèmes, diviser par 2 les excès de nitrates et pesticides...
Pour 2030, 23 cibles d’action « urgentes » sont présentées et concernent la réduction des menaces pesant sur la biodiversité, la gestion durable et équitable des ressources naturelles et les outils et solutions pour la mise en œuvre du cadre.
Une des cibles phares du "Pacte" adopté prévoit la protection de 30 % des terres et des mers. Un objectif ambitieux dont la réussite dépendra du niveau de protection accordé (de faible à forte), des moyens alloués à leur gestion effective et de la répartition de ces aires protégées. Nous regrettons que l’objectif de 10 % de protection stricte n’ait pas été retenu dans l’accord final.
Et si la France a déjà atteint ces objectifs sur son territoire, il s’agit d’un niveau de protection généralement insuffisant. La définition française des espaces en « protection forte » pose également question puisqu’elle ne correspond pas à la définition de protection « stricte » utilisée à l’international, en autorisant, sous certaines conditions, des activités humaines dans ces espaces protégés.
Une autre cible phare concerne la restauration effective d’au moins 30 % des écosystèmes terrestres ou marins dégradés est également un enjeu fort. Cela fait écho au projet de règlement de l’Union Européenne sur la restauration de la nature qui prévoit actuellement un objectif de restauration pour 20% de la surface d’écosystèmes dégradés sur le territoire européen. Des moyens effectifs devront être alloués à ces opérations si l’on souhaite qu’elles se concrétisent rapidement, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Autre cible phare, celle qui prévoit une diminution du risque et des impacts liés aux diverses pollutions : notamment une division par 2 des excès de nitrates et des pesticides. C’est un objectif majeur dont on se félicite qu’il soit retenu dans l’accord. Le rôle de certaines pratiques agricoles dans la perte de biodiversité est également adressé dans la cible 10 qui encourage une gestion durable des espaces agricoles, par le bais de l’agroécologie par exemple. L’Union Européenne par le biais du Green deal et de la stratégie « De la ferme à la fourchette » prévoit également une diminution de moitié de l’usage des pesticides (qui devrait être pris en compte prochainement dans le règlement européen sur l’usage durable des pesticides) et un quart de la surface utile agricole en agriculture biologique.
La réduction de la pollution plastique est également mentionnée parmi les cibles. Un traité international pour lutter contre la pollution plastique est d'ailleurs en cours de négociation.
Comme le rappelle la cible 14, il est essentiel que la biodiversité soit intégrée dans les différentes politiques, règlementations et plans dans tous les secteurs et que toutes les activités ainsi que les flux financiers et fiscaux soient alignés avec les objectifs de ce nouveau cadre mondial pour la biodiversité. Dès 2025, les États se sont engagés à identifier et supprimer les dépenses et subventions publiques néfastes à la biodiversité d’au moins 500 milliards de dollars par an d’ici 2030. La réduction et la suppression des financements néfastes à la biodiversité étaient déjà présentes en 2010 dans le précédent accord mondial pour la biodiversité « les Objectifs d’Aichi », sans grand résultat en 12 ans. Nous militons depuis de nombreuses années pour que la France avance réellement et concrètement dans ce domaine...
Autre sujet majeur des négociations : l’augmentation des ressources financières pour les pays en voie de développement. Avec la cible 19, les pays développés s’engagent à augmenter les flux financiers internationaux pour la biodiversité vers les pays en développement pour atteindre 200Milliards de dollars par an en 2030.On estime pourtant que le besoin budgétaire pour la biodiversité s’élèverait à 700 milliards de dollars : résorber cet écart est un des objectifs pour 2050.
Du côté du secteur privé, les entreprises sont encouragées à suivre, évaluer et rendre publiques leurs risques, dépendances et impact vis-à-vis de la biodiversité. L’UE a devancé cette cible puisqu’elle a récemment adopté la directive CSRD sur le reporting extra-financier des entreprises qui imposera à plus de 50 000 entreprises européennes de publier des informations sur la durabilité sociale, sociétale et environnementale (incluant la biodiversité) de leurs activités. La France est même allée plus loin en imposant un dispositif similaire pour les institutions financières, avec le volet biodiversité de l’Art. 29 de la loi LEC (Loi Energie-Climat).
Pour assurer la bonne mise en œuvre de ce « Pacte de paix avec la nature » et éviter les écueils des objectifs d’Aichi, les États signataires ont notamment prévu la mise en place de mécanismes de planification, de suivi (dont des indicateurs à définir) et de rapportage par les Etats.
Enfin, soulignons que le nom « Pacte de paix avec la nature » peut surprendre en sous-entendant une situation de « guerre » avec la nature. S’il est vrai que les êtres humains contribuent à la destruction des milieux naturels et à la perte de biodiversité, il s’agit d’un conflit à sens unique car la « nature » n’est pas en opposition avec nous, les humains. Au contraire, elle contribue à notre bien-être en de multiples façons, comme le démontre les cibles 8 et 11 du cadre qui incitent au développement des solutions fondées sur la nature (SFN) pour s’adapter au changement climatique. La contribution de la nature dans les espaces urbains pour le bien-être des citadins est également soulignée dans la cible 12.
C’est à l’aune de ce nouveau cadre mondial pour la biodiversité que Humanité et Biodiversité oeuvrera à sa mise en œuvre effective en France. Nous sommes et continuerons de nous mobiliser pour que la Stratégie Nationale pour la Biodiversité 2023 (SNB3) soit à la hauteur des enjeux dont la Communauté international semble avoir pris la mesure.
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