Les populations d'insectes s'effondrent dans l'indifférence des décideurs
Publié le 14/02/2023
Au cours des dernières décennies, des chutes d’abondance de 70 % à 80 % des populations d'insectes ont été recensées dans les régions dominées par les activités humaines et l’agriculture intensive. C'est ce que suggèrent de nombreuses études récentes. Bien que l'écroulement des populations d'insectes soit l'une des composantes de la crise écologique en cours, il reste absent du débat public et politique. Pourtant, il y a urgence...
Des scientifiques ignorés et désemparés face à la rapidité de ce déclin
Tout d'abord, il faut distinguer la diminution de l'abondance des populations, qui est l'objet de la plupart des études, et la disparition d'espèces, localement ou pour l'ensemble de la planète, qui est moins documentée.
Malgré le manque de données, on sait qu'entre 40 % et 75 % des insectes du globe sont en train de disparaître. Tous les scientifiques s’accordent sur le constat (les chiffres divergent en fonction du périmètre des études). Ces estimations prennent notamment en compte les travaux de la liste rouge mondiale des espèces animales et végétales, élaborée depuis 1964 par l’Union pour la conservation mondiale de la nature (UICN). Celle-ci constitue l’inventaire le plus exhaustif, régulièrement mis à jour, du niveau de menace pesant sur chaque espèce et ses causes. Elle est déclinée par grandes régions géographiques et aussi par pays.
En 2016, un rapport de l'IPBES mentionnait qu'« en Europe, 9 % des espèces d’abeilles et de papillons sont menacés et les populations diminuent pour 37 % des abeilles et 31 % des papillons [...].
En 2021, c'est l'Académie des Sciences qui expliquait dans un communiqué que 80 % des espèces animales et végétales actuellement présentes sur Terre étaient représentés par les insectes et que des baisses de biomasses d’insectes allant jusqu’à 75 % avaient par exemple été évaluées lors d'études en Allemagne et dans une forêt tropicale à Porto Rico. Elle ajoutait que leur déclin était un phénomène complexe car peu documenté pour certaines régions du globe. Mais ce dont nous sommes certains, c'est que de nombreuses études sont venues confirmer un appauvrissement de l’entomofaune, tant en termes d’abondance que de diversité.
Même si des espèces d'insectes restent présentes, la diminution de l'abondance suffit à réduire les services écologiques qui en dépendent, comme la pollinisation.
Comment expliquer l'effondrement des populations d'insectes ?
On peut expliquer la disparition des populations d'insectes par la perte de leurs habitats due à l'urbanisation grandissante et surtout à l'intensification de l'agriculture. L'activité agricole qui joue un rôle non négligeable dans la disparition des insecte par l'utilisation massive des pesticides - dont les néonicotinoïdes - qui, par définition, tuent les insectes. En cause également : l'augmentation des températures causée par le changement climatique, ainsi que les invasions biologiques, que ce soit par des espèces végétales ou animales concurrentes, prédatrices ou porteuses de pathogènes.
Parmi les causes de disparition des insectes, il faut distinguer des effets directs et des effets indirects. Ainsi, les insecticides agissent directement mais les autres pesticides peuvent avoir des effets, par exemple les herbicides qui réduisent la diversité des espèces végétales ("mauvaises herbes") dans les milieux agricoles et donc la nourriture ou l'habitat des espèces qui en dépendent. On se focalise souvent sur les effets directs, plus facile à mettre en évidence, mais les effets indirects peuvent être plus importants.
Une menace pour l'humanité et la biodiversité
La vie sur Terre est impossible sans les insectes. Ils sont à la base de tous les écosystèmes. Même si on vit dans un espace où ils sont peu présents, cela ne veut pas dire qu'on n'en a pas besoin.
Certains services écologiques - comme la pollinisation - dépendent de plusieurs espèces qui coopèrent et se complètent. On sait par exemple que la présence de certaines espèces sur une fleur va en attirer d'autres. La disparition d'une espèce peut donc affaiblir l'efficacité collective de l'ensemble.
Raréfaction des fruits et légumes liée au défaut de pollinisation, restrictions d'usages de l'eau, déclin de certains vertébrés se nourrissant d'insectes, augmentation du nombre de déchets organiques, cadavres d'animaux et déjections habituellement "recyclés" par les insectes... Les conséquences de la disparition des insectes sont nombreuses et inquiétantes pour l'avenir de l'humanité.
Quelles solutions à envisager ?
Dans un avis publié le 26 janvier 2021, l'Académie des sciences établit une série de recommandations visant à enrayer au plus vite le déclin des Insectes à travers notamment la réduction incontournable de l’usage des pesticides de synthèse et la mise en œuvre d'actions pour préserver les habitats naturels et leur diversité.
Si on veut redynamiser les populations d'insectes, cela passe par la reconstitution de leurs habitats. À ce titre, il faut souligner :
- l'importance des surfaces en libre-évolution,
- la gestion différenciée des lisières, des mares ou l'augmentation des haies,
- le maintien des arbres âgés y compris en ville.
Les 10 % de zones de protection forte voulus par le Président Macron doivent se décliner par biome et par région pour offrir un maximum de diversité de protection et ce, bien réparti sur tout le territoire.
Elle invite également à réinventer la relation de l’Homme à l’Insecte, dont la perception souffre sans doute de l’image négative et peu significative associée à certaines espèces vecteurs de maladies graves pour l’homme ou nuisibles pour les végétaux.
À l'échelle individuelle, on peut agir concrètement en repensant sa façon de jardiner, en essayant de laisser des espaces sauvages avec un tas de bois, une zone qu'on ne tond pas... Il s'agit de recréer des équilibres dans les jardins. C'est ce que notre association Humanité et Biodiversité propose à travers son réseau des Oasis Nature, des refuges à biodiversité créés par ses adhérents partout en France.
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