S-métolachlore : nos inquiétudes adressées au Ministre de l'agriculture
Publié le 07/04/2023
Humanité et Biodiversité, avec FNE, la LPO et la SNPN, a adressé au Ministre de l'agriculture, Marc Fesneau, un courrier exprimant notre incompréhension face à la nouvelle saisine de l'ANSES sur le pesticide S-métolachlore. Peu connu du grand public, cet herbicide que l'on retrouve dans les eaux souterraines "est l'une des substances actives herbicides les plus utilisées en France", comme le rapporte l'ANSES. L'Agence avait annoncé, mi-février, vouloir interdire les principaux usages du S-métolachlore mais le gouvernement avait ensuite demandé à cette dernière de revenir sur sa décision, suscitant l'inquiétude de nos associations de protection de l'environnement. Voici le courrier que nous lui avons adressé.
Monsieur le Ministre,
Vous avez déclaré lors du congrès de la FNSEA le 30 mars dernier : « Je viens de demander à l'Anses une réévaluation de sa décision sur le S-métolachlore, parce que cette décision n'est pas alignée sur le calendrier européen et qu'elle tombe sans alternatives crédibles ». Cette déclaration nous semble profondément regrettable, tant sur la forme que sur le fond.
Sur la forme tout d’abord, nous considérons qu’il appartient aux représentants de l’Etat de défendre les institutions publiques et les procédures qu’il a lui-même mises en place. C’est en effet l’Etat qui a proposé d’inscrire dans la Loi d’avenir agricole de 2014 le transfert à l’ANSES de la mission d’évaluation des produits phytosanitaires et de délivrance de leurs autorisations de mise sur le marché, mission qu’il exerçait directement auparavant. Laisser entendre que cette mission n’est pas exercée correctement est donc une accusation grave qui doit s’appuyer sur des éléments tangibles et explicités et non sur un simple sentiment d’insatisfaction. En l’absence de tels éléments, cette affirmation ne peut que porter atteinte à la crédibilité de l’action publique et amoindrir la confiance des citoyens, si difficile déjà à obtenir dans ce domaine sensible, et souvent polémique, de la sécurité sanitaire.
Sur le fond, vous ne pouvez ignorer qu’une réévaluation des risques du S-métachlore a déjà été demandée à l’ANSES par votre ministère, comme l’indique l’avis rendu le 20 janvier 2023 : "L’Anses a été saisie le 17 mai 2021 par la direction générale de l’alimentation, la direction générale de la prévention des risques et la direction générale de la santé pour la réalisation d’une expertise dénommée : « Demande de réexamen des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques contenant du S-métolachlore »". Cette lettre de saisine, qui figure en annexe 2 de cet avis, mentionne en particulier deux points essentiels :
- elle fait état de la préoccupation de votre ministère sur les risques liés à la détection fréquente de ce produit et de ses métabolites dans les eaux : « Les résultats du suivi de certains métabolites du S-métachlore dans les eaux brutes utilisées (…) et dans les eaux distribuées aux consommateurs après traitement de l’eau conduisent à s’interroger sur les conditions d’utilisation de la molécule mère et sur les capacités de mobilité et de persistance de ses métabolites dans l’environnement et à travers les filières de traitement de potabilisation » ;
- elle reconnaît explicitement que l’urgence de la situation justifie de ne pas être en phase avec le calendrier européen : « Bien que la réévaluation de l’approbation du S-métachlore soit en cours au niveau européen, compte tenu de la situation nationale, la réflexion doit être menée sans attendre les décisions qui seront prises au niveau européen dans un calendrier encore incertain ». Demander maintenant à l’ANSES de s’aligner sur le calendrier européen est donc pour le moins surprenant.
En outre, cette saisine de 2021 n’évoque nullement la question des alternatives à l’utilisation de ce produit et l’ANSES ne s’est donc pas prononcé sur ce point important. Nous nous interrogeons donc sur les fondements de votre affirmation selon laquelle il n’existe pas « d’alternatives crédibles » et nous aimerions connaître les instances d’expertises qui ont été consultées sur ce point.
Enfin, nous considérons que les avis émis par l’ANSES suite à votre saisine de mai 2021 ont répondu clairement et de manière argumentée aux différents questions posées. En particulier, l’avis du 20 janvier 2023 conclu que « ces produits ne sont pas conformes aux critères d’autorisation car ils ne respectent pas les valeurs limites définies par la législation européenne ». C’est pourquoi, pour comprendre les motivations de cette nouvelle saisine de l’ANSES, nous aimerions avoir communication de la lettre de saisine que vous avez adressée à l’Agence.
Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’assurance de nos meilleurs sentiments.
Copie à :
- Monsieur Christophe Béchu, Ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires
- Madame Elisabeth Borne, Première ministre
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