Position d'H&B - Usage des pesticides
Quelles priorités pour la réduction de l'usage des pesticides ?
Octobre 2018
NB : Cette fiche complète la note de position « Produits phytosanitaires » éditée en juin 2018 et examine les conditions à mettre en oeuvre pour en limiter au maximum l’usage.
Notre association milite depuis longtemps pour une réduction de l’usage des pesticides, en soulignant que ces substances, outre leurs effets sur la santé humaine désormais avérés pour de nombreux produits, constituent, directement ou indirectement, l’une des causes majeures de l’érosion de la biodiversité :
- directement car elles détruisent, outre les espèces cibles, de nombreuses espèces non-cibles, l’exemple des effets des néonicotinoïdes sur les abeilles étant emblématique ;
- indirectement car, en réduisant la biodiversité végétale par les herbicides ou la biodiversité animale par les insecticides, elles privent de ressources alimentaires de nombreuses espèces et contribue à leur raréfaction.
Cependant, cette démarche de réduction de l’usage des pesticides devra s’inscrire dans la durée et il importe donc de définir des jalons et des priorités. Pour notre association, quatre points nous semblent essentiels à prendre en compte :
1. Inscrire la lutte chimique dans une perspective de « denier recours »
Comme pour la santé humaine ou animale, il restera à notre avis nécessaire de pouvoir recourir pour les productions végétales à des molécules « actives ». Ce recours devra bien sûr être aussi limité que possible et s’inscrire dans une démarche intégrée mobilisant l’agronomie (rotation des cultures), le choix de variétés résistantes, les auxiliaires biologiques et des systèmes d’information et d’aide à la décision permettant de n’utiliser ces substances qu’en « dernier recours ». Nous ne nous inscrivons donc pas dans une volonté de prohibition de la lutte « chimique », pas plus que de la lutte « agronomique », « génétique » ou « biologique », ces approches étant à combiner et aucune n’étant exempte d’effets néfastes. L’interdiction d’un pesticide, qu’il soit « naturel » ou « de synthèse » devra donc ce faire en considérant, de manière pragmatique, non seulement l’existence de solutions alternatives mais les impacts sanitaires, environnementaux ou sociaux (conditions de travail) des solutions alternatives à laquelle les agriculteurs auront recours.
2. Organiser et accompagner la transition
Pour beaucoup d’agriculteurs, se passer de la lutte chimique représente à la fois une prise de risque économique et un défi en termes de connaissance et de maîtrise des pratiques alternatives. En particulier, la décision, que nous soutenons, de séparer le conseil de la vente des pesticides pose la question du modèle économique de ce conseil « désintéressé ». Il est donc impératif de mettre en place des mesures concrètes pour accompagner tous les agriculteurs dans cette transition.
3. Améliorer l’évaluation et la biovigilance, en appliquant le principe de précaution
Le troisième point concerne l’évaluation de ces molécules actives. Dès lors qu’elles resteront longtemps utilisables par les agriculteurs, il importe de s’investir pour faire progresser les méthodes et critères d’évaluation de ces produits, en particulier de leurs impacts sur la santé et l’environnement. Il s’agit de progresser non seulement sur le plan des techniques d’évaluation mais aussi sur le plan de la prise en compte des perceptions et des attentes des citoyens dans le processus d’expertise. Deux principes doivent nous guider. Le premier est le principe de précaution, dès lors que, pour de nombreuses questions (l’effet des faibles doses, l’effet « cocktail » de mélanges entre des pesticides ou avec d’autres substances chimiques…), il existe des incertitudes importantes et qui persisteront encore longtemps. Le second est le principe de « progressivité », qui invite à ne pas passer immédiatement d’une évaluation a priori portant sur des données limitées (dans le temps et dans l’espace) à une autorisation d’usage sur l’ensemble de l’Union européenne. Il importe en effet d’organiser une « montée en puissance » de l’usage de ces substances, avec des retours d’expérience permettant de juger de l’opportunité d’élargir de plus en plus la diffusion de ces produits.
4. Ne pas se focaliser sur la distinction entre substances « naturelles » et substances « de synthèse »
La distinction entre substances « naturelles » ou « de synthèse » n’est pour nous pas pertinente pour adapter les méthodes et critères d’évaluation de ces molécules actives. En effet, si beaucoup de ces substances ont été découvertes en explorant la biodiversité des espèces animales ou végétales, leur production totale ou partielle par synthèse chimique apparaît souvent nécessaire. Il ne s’agit pas seulement de réduire éventuellement les coûts de production. Il peut s’agir d’espèces rares, voire menacées, qu’il est exclu de collecter en masse pour produire ces substances. Il peut s’agir aussi de s’assurer de la sécurité sanitaire du produit, en évitant la présence de contaminants chimiques ou biologiques. On se rappellera le problème des maladies à prions, avec les hormones de croissance extraites d’hypophyse de cadavre avant qu’elles ne soient produites par synthèse. Il n’existe donc pas de raisons scientifiques de refuser qu’une substance active soit produite par synthèse chimique (ou par des réactions « chimiques » à partir de substances naturelles). C’est d’ailleurs le cas pour un certain nombre de produits dit de « biocontrôle » autorisés en France (comme les désherbants à base d’acide pélargonique, substance que l’on peut extraire des géraniums mais qui peut être produits à partir d’huile de colza), sans parler de produits plus traditionnels et considérés comme « naturels » et utilisés en agriculture biologique comme le bicarbonate de soude ou le sulfate de cuivre.
Par ailleurs, cette synthèse chimique peut permettre d’apporter des modifications par rapport à la molécule naturelle. Ces modifications doivent être étudiées et encadrées car elles peuvent avoir des effets négatifs sur la santé ou l’environnement, en particulier lorsqu’elles visent à réduire la biodégradabilité des molécules. L’exemple des insecticides organochlorés comme le DDT en est un triste exemple. Mais elles peuvent également permettre d’améliorer l’efficacité de la molécule ou de diminuer les effets indésirables sur les espèces non-cibles (y compris les agriculteurs, notamment lorsque les substances naturelles sont irritantes ou photo-sensibilisantes). Nous considérons donc qu’il faut conserver, comme c’est le cas pour les médicaments, cette possibilité de produire par synthèse des molécules ayant des propriétés plus satisfaisantes que leurs homologues naturels.
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