JO 2024 : tour des juges à Teahupo'o pour l'épreuve de surf
Publié le 27 décembre 2023
Les nombreuses alertes à propos des impacts de la tour des juges pour les épreuves de surf en Polynésie française aux JO 2024 relancent sur une nécessaire véritable prise en compte au-delà des bonnes intentions affichées des considérations pour la protection de l’environnement par les organisateurs de sports de Nature.
Le contexte
Des épreuves de surf pour les prochains Jeux Olympiques 2024 devraient avoir lieu sur le site mythique de Teahupo’o (Polynésie francaise, Tahiti, presqu’île de Taiarapu). Divers aménagements sont ainsi prévus, notamment une tour pour la surveillance des épreuves (non soumise à étude d’impact environnemental). Cette absence d'étude d’impact est conforme au Code actuel de l’environnement de la Polynésie française notamment car en deca des seuils fixes par de telle étude, seule une note environnementale est requise et a été faite.
Une association de riverains, l’association Vai ara o Teahupo’o, s’est saisie du sujet en octobre 2023, alors que le premier poteau de la tour des juges commençait à être installé sous leurs yeux. Les riverains ont été très surpris d’apprendre, lors d’une réunion publique, qu’une nouvelle tour serait installée, sans qu’ils aient été consultés au préalable toujours car l'étude d'impact n'est pas requise.
Certes, ce nouveau projet de tour métallique initialement de 16 tonnes et de 3 étages passe à 2 étages et 9 tonnes, mais pour la population locale, c’est à la fois un choc écologique et un choc culturel, eux qui misaient pour une belle tour en bois, jugée incompatible avec les exigences du CIO. On est obligé de passer le matériel par le lagon. On souligne que les dégâts environnementaux ne seront pas provoqués uniquement par les plots que l’on va poser pour la structure de cette tour, mais aussi par le chantier de construction et l'apport des matériaux qui vont dégrader le corail. Les dégradations auront à terme, des vrais effets négatifs pour cet endroit paradisiaque que les habitants protègent depuis des siècles.
Diverses voix s'élèvent et des alternatives ont été proposées
Depuis quelques semaines, les médias relaient largement la polémique créée par la construction de cette nouvelle tour pour l’épreuve de surf des Jeux olympiques 2024, notamment en raison des inquiétudes exprimées par des surfeurs connus à propos de l’impact de cette tour sur les coraux et les poissons, voire sur la vague elle-même. Une pétition a même recueilli des centaines des milliers de signatures, et, jusque dans l’Hexagone.
Aux États-Unis, en Australie, en Europe, nombreux sont les médias à avoir parlé du cas de Tahiti. Des grands noms du surf a l'instar de Kelly Slater, du champion du monde actuel Filipe Toledo ou de la championne du monde américaine, Carissa Moore se sont émus.
Le surfeur français Gibus de Soultrait, cofondateur du collectif « Rame pour ta Planète » déplore le rendez-vous manqué du Comité d’organisation des Jeux olympiques de Paris 2024. Sur les réseaux sociaux, des appels au boycott sont relayes.
Arguant de l'ambition affichée du Comité d’organisation des Jeux olympiques se voulant exemplaire en matière environnemental, dans une tribune "Monde", la présidente du Comité français de l’Union internationale de conservation de la nature (UICN), Maud Lelièvre, plaide pour un encadrement plus strict et appelle à revoir cette réglementation environnementale pour se prémunir des conséquences des impacts de tels projets y intégrant pleinement la séquence ERC (éviter, réduire, compenser).
Des alternatives ont été proposées au gouvernement polynésien, ainsi qu’aux organisateurs des JO, de se passer de la tour sur le récif de Teahupo’o et de juger l’épreuve via une tour à terre, des images aériennes et prises depuis le rivage et la mer. Cette option n’a pas été jugée possible, faisable sur plusieurs sujets : "sur le plan technique, pour réaliser des images mais aussi en matière de sécurité, elle pose beaucoup de questions », a indiqué Tony Estanguet dans un entretien a Sud-Ouest le 20 décembre 2023 précisant que « Le projet continue, c’est le souhait des acteurs locaux réunis derrière le président de la Polynésie française, Moetai Brotherson".
La position d'Humanité et Biodiversité : pas d’étude d’impacts, mais pas sans impact
Est-il vraiment trop tard pour bien faire ? Humanité et Biodiversité, membre de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), soutient la tribune de la Présidente du Comité français UICN.
On est à même de s'interroger sur le hiatus entre l'affichage des préoccupations environnementales du Comité olympique et les considérations relayées par des grands noms du surf.
En tout cas, cet exemple doit inciter à réfléchir sur l'organisation de manifestation de sports de Nature tels les futurs JO d'hiver dans nos Alpes de moins en moins enneigées comme des jeux d'hiver asiatiques en Arabie Saoudite.
Au moment où se constate une sur-fréquentation des espaces naturels et se développent des pratiques sportives multiformes, mais fortement impactantes (de la varappe au fat bike en passant par le parapente ou le canyoning), il est de plus en plus nécessaire que le ministère des Sports, les fédérations sportives et les professionnels de ces loisirs sportifs apprennent à considérer ce que les experts et les lanceurs d'alerte des ONGs leur disent. C’est ce que préconise d’ailleurs la mesure 18 de la Stratégie nationale biodiversité 2030 ("Accompagner les secteurs du tourisme, de la culture et du sport pour réduire leurs impacts sur la biodiversité"). Ne passons pas à côté de cette ambition à propos des JO actuels et à venir comme pour toute manifestation de sports de Nature.
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En savoir plus :
- Le Monde - « A Tahiti, le projet de tour des juges, en vue des épreuves de surf, n’a pas été soumis à une étude d’impact environnemental » - 19.12.2023
- La Croix - « Le surf à Tahiti, un pari raté du comité d’organisation » - 25.12.2023
- Sud Ouest - "Le projet de construction d’une tour pour le surf à Teahupo’o « continue », assure Tony Estanguet" - 20.12.2023
© Image par pixelia de Pixabay
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