Loi Duplomb : le Conseil constitutionnel pose les limites environnementales
Publié le 08/08/2025
Le 7 août 2025, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision n° 2025-891 DC sur la loi dite « Duplomb », intitulée loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. Si une grande partie du texte a été validée, c’est au regard des exigences de la Charte de l’environnement, qu’il a censuré les dispositions autorisant à déroger à l’interdiction d’utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes, et émit deux réserves d’interprétation des dispositions facilitant l’implantation de certains ouvrages de stockage d’eau.
La censure de la réintroduction des néonicotinoides
La loi Duplomb prévoyait dans son article 2 la possibilité pour le gouvernement d’autoriser, à titre dérogatoire, l’usage de néonicotinoides dont l’acétamipride, interdit en France depuis 2023 en raison de ses effets graves sur les insectes pollinisateurs et, par ricochet, sur la biodiversité et la production agricole elle-même.
Saisi par plus de soixante parlementaires, le Conseil constitutionnel, après avoir reconnu explicitement que « les produits en cause ont des incidences sur la biodiversité, en particulier pour les insectes pollinisateurs et les oiseaux, ainsi que des conséquences sur la qualité de l’eau et des sols et induisent des risques pour la santé humaine », s’est appuyé sur l’article premier de la Charte de l’Environnement -Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé – pour justifier sa censure des dispositions de l’article 2.
Il a considéré que le législateur, en permettant de déroger à l’interdiction des produits contenant des néonicotinoïdes, « pour toutes les filières agricoles, sans les limiter à celles pour lesquelles le législateur aurait identifié une menace particulière dont la gravité compromettrait la production agricole » et qui « peut être décidée pour tous types d’usage et de traitement, y compris ceux qui, recourant à la pulvérisation, présentent des risques élevés de dispersion des substances » a privé de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé garanti par l’article 1er de la Charte de l’environnement.
L’article 2 est supprimé et ne pourra pas s’appliquer.
Deux réserves importantes sur l’implantation d’ouvrages de stockage d’eau.
L’article 5 de la loi Duplomb dispose que certains ouvrages de stockage d’eau et les prélèvements sur les eaux associés sont présumés d’« intérêt général majeur », et répondre à « une raison impérative d’intérêt public majeur, » leur permettant de bénéficier, d’une part de dérogations aux objectifs de qualité et de quantité des eaux et d’autre part d’une dérogation aux interdictions de porter atteinte à des espèces protégées ainsi qu’à leurs habitats.
Considérant que la réalisation de tels ouvrages est susceptible de porter atteinte à l’environnement « eu égard aux incidences sur la ressource en eau et la biodiversité », tout en reconnaissant que le législateur a poursuivi un motif d’intérêt général visant à préserver la production agricole dans des zones soumises à la sécheresse, dans le respect de l’article premier de la Charte de l’environnement il a exclu l’application des dispositions de l’article 3 aux prélèvement des eaux souterraines et précisé que l’« intérêt général majeur » ou « la raison impérative d’intérêt général majeur » d’un projet pouvait être contestés devant les tribunaux.
Une victoire en demi-teinte pour la biodiversité et pour l’État de droit.
Humanité et Biodiversité prend acte de la décision du Conseil Constitutionnel et se réjouit de voir rappelé que la Charte de l’Environnement n’est pas un simple texte symbolique. Cette décision confirme son rôle de rempart juridique contre toute décision portant atteinte à l’environnement et à la santé humaine.
Cependant, compte tenu des enjeux, Humanité et Biodiversité exprime ses regrets face à l’annonce du Président de la République de ne pas utiliser l’article 10 de la Constitution, comme demandé le 22 juillet dernier, pour aller au-delà d’un débat parlementaire sans vote, à la suite d’une pétition ayant recueilli plus de deux millions de signatures.
L’association renouvelle sa demande solennelle de ne pas promulguer cette loi et de la renvoyer au Parlement, pour un nouvel examen et une nouvelle délibération. Ce processus permettrait un débat éclairé, prenant en compte l’intérêt réel du monde agricole, tout en respectant les enjeux environnementaux.
La protection de la biodiversité et de la santé publique n’est pas un frein à l’agriculture ; elle en est au contraire une condition indispensable à la pérennité.
Humanité et Biodiversité continuera d’agir, d’alerter et de proposer des solutions pour que l’agriculture, aujourd’hui comme demain, soit à la fois productive, juste et respectueuse de l'environnement et de la santé humaine.
En savoir plus : Loi Duplomb : lettre ouverte au Président de la République
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