L'Eau qui Pique (5/6)
À l’occasion de la Journée mondiale des zones humides (2 février) dont le thème pour l’année 2020 met à l’honneur la biodiversité, Gilles Pipien, administrateur d'Humanité et Biodiversité, vous conte l’histoire des humains et des moustiques à travers un récit palpitant et riche en rebondissements. Plongez dans l’univers des zones humides, découvrez leurs intérêts écologiques et que l’envie d’apprendre soit avec vous !
Prologue
Les zones humides apparaissent comme étant la meilleure solution naturelle pour réguler la population de moustiques et donc, la limitation des virus qu’ils transmettent grâce aux espèces concurrentes et prédatrices qu’elles abritent. Les zones humides permanentes, riches en biodiversité, sont plus intéressantes que les temporaires, en compliquant la ponte des moustiques. Mais si on associe la bactérie larvicide (Bti) aux zones humides temporaires, on obtient le combo gagnant pour limiter la nuisance. Il est donc essentiel de savoir gérer ces milieux humides. Mais une espèce de moustique bien connue et redoutée de tous est résistante…
Épisode 5 - Les moustiques contre-attaquent : le tigre débarque
Et, d’ailleurs, il n’y pas besoin de zones humides pour le pire moustique arrivé, il y a 15 ans, en France : le fameux moustique tigre, Aedes albopictus. Originaire des forêts humides tropicales d’Asie du sud-est, où il trouve ombre, et petits creux, facilement remplis d’eau à la première pluie, pour pondre ses œufs, il a pris le bateau, dans de vieux pneus, de jolis bambous coupés et autres produits du commerce international. Et, en parallèle, nos touristes et autres voyageurs d’affaires vont se faire piquer dans les contrées tropicales et, reviennent avec un sang infesté de dengue, de zika ou de chikungunya. À l’arrivée, notre moustique tigre vient piquer le voyageur prodigue et récupérer lesdits virus. Là, c’est l’alerte santé publique !
Mais où vit-il chez nous ? En milieu urbanisé exclusivement, dans tous les petits creux, comme une coupelle sous votre pot de géranium ou, le fond de votre arrosoir retourné, voire un simple bouchon de bouteille plastique tombé, hier soir, à l’apéro. Madame tigre pond à sec, diapause, pluie ou arrosage, voici l’idéal pour l’émergence des larves. À raison de 100 à 200 œufs par ponte, chaque semaine, pendant sa durée de vie de quelques semaines au maximum, et ça fera du monde à l’assaut de vos chevilles ou, du cou de vos enfants (environ 500 à 600 œufs au total par femelle). Ce moustique est pataud : il vole bas, et sur de faibles distances (150 à 200 m). Mais il sait monter en voiture : déjà 51 départements sont colonisés.
Et quand il y a une alerte de santé publique, comme les cas autochtones détectés en septembre dernier dans le Var (Zika) et les Alpes-Maritimes (dengue), il faut agir vite : pas de quartiers pour user des pires insecticides (de la famille des pyréthrinoïdes) sur les adultes, dans un cercle de 150 à 200 m autour du domicile de la personne infectée (il s’agit de briser la chaîne vectorielle), et ce, avec parcimonie, en limitant les traitements et les dosages, et précaution (les doses utilisées en santé publique restent faibles, de l’ordre de 1g par hectare, très inférieures à celles utilisées en agriculture). D’ailleurs, dès le 1er janvier 2020, ce sont uniquement les agences régionales de santé (ARS) qui sont à la manœuvre. Hésiteront-elles à user, voire abuser des insecticides… au risque de créer des résistances et d’empoisonner d’autres espèces, sans parler des humains ? De plus, une étude récente alerte sur le fait que, au regard des expériences en Italie, on constate que plus de 10 % des moustiques visés dans le cercle des 200 m échappent à la destruction...
Quant au Culex pipiens précité, porteur potentiel du virus du Nil occidental (West Nile), qui a déjà beaucoup tué en Israël, aux États-Unis, voire plus récemment en Europe, lui aussi se plaît en ville : il fréquente plutôt les eaux chargées en matières organiques, telles les eaux résiduaires urbaines dans une fosse septique, une cave inondée, un vide sanitaire, une piscine non entretenue ou un réseau d’égout non séparatif (comme dans encore nombre de nos villes).
En somme, nos zones pavillonnaires, nos réseaux d’assainissement et pluviaux, et, plus généralement, nos villes favorisent ce qu’un scientifique, le docteur Frédéric Simard, de l’IRD, nomme la « biodiver-cité » !
Remerciements à Mylène Weil, université de Montpellier ; Marion Wittecoq, Tour du Valat et aux spécialistes EID Méditerranée et Jean-Michel Berenger.
Liste des épisodes :
- Épisode 5 - Les moustiques contre-attaquent : le tigre débarque !
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