Deux nouveaux rapports de l'IPBES, le "GIEC de la biodiversité"
Publié le 16/07/2022
Après les experts du climat, c’est au tour des experts de la biodiversité (IPBES[1]) de sonner l’alerte en publiant deux rapports d’affilée, qui sont le fruit de quatre années de travail entre plus de 80 experts mondiaux de différentes disciplines. Le premier concerne l’Utilisation durable des espèces sauvages, le second les différentes valeurs et l’évaluation de la nature.
Le premier rapport dresse un constat clair : l’humanité, et plus encore les populations pauvres, sont dépendantes des espèces sauvages surexploitées
Si 50 000 espèces assurent la survie de l’Homme, une grande partie s’avère menacée par des pratiques humaines, c’est notamment le cas de la pêche où « 34% des stocks de poissons sauvages marins se retrouvent surexploités ». D’après la co-présidente du rapport, Maria Emery, « l’utilisation des espèces sauvages est beaucoup plus répandue que la plupart des gens le pensent : du poisson que nous mangeons aux médicaments en passant par les cosmétiques, la décoration et les loisirs. »
Or, dans le monde, c’est 1 personne sur 5 qui dépend des espèces sauvages pour ses revenus et son alimentation.
Le rapport propose des solutions, parmi lesquelles, la collaboration entre scientifiques et peuples autochtones à des fins d’apprentissage réciproque car l’utilisation durable des espèces sauvages est un élément central de l’identité et de l’existence de nombreux peuples autochtones et communautés locales. Concrètement, il s’agit de soutenir la pêche artisanale, de supprimer les subventions financières néfastes ou encore d’instaurer une réglementation efficace tout le long de la chaîne d’approvisionnement dans le cadre du commerce mondial de ces espèces. Mais l’enjeu de fond est bien d’opérer un changement profond dans les relations entre l’homme et la nature.
Les conclusions du second rapport sont aussi sans appel : il s’agit d’arrêter de considérer la nature seulement sous le prisme de sa valeur économique et utilitaire !
Les auteurs font le constat que les profits à court terme font l'objet d'une attention prédominante dans le monde entier, alors que les valeurs de la nature sont rarement prises en compte dans les décisions politiques. Lorsqu'elles le sont, la priorité est donnée à des valeurs fondées sur le marché, telles que l'alimentation issue de l'agriculture intensive. Sont donc laissées de côté la manière dont la nature affecte la qualité de vie des personnes ainsi que les valeurs non marchandes de la biodiversité, comme la régulation du climat ou l'identité culturelle. À titre d’exemple, le produit intérieur brut (PIB), indicateur macroéconomique de la croissance, ne rend aucunement compte de la surexploitation de la nature et des impacts de cette surexploitation sur le long terme, sauf lorsqu’elle donne lieu à une réparation marchande.
Pourtant là encore, les outils existent : « plus de 50 approches et méthodes d’estimation des valeurs » ! Nous avons donc toutes les clés en main pour considérer l’ensemble des valeurs de la nature. Afin d’accompagner les décideurs, les auteurs proposent même une typologie distinguant les valeurs instrumentales (le bois en tant que combustible), les valeurs relationnelles (découlant de l’importance du lien entre les sociétés et autres animaux ou aspects du monde vivant) et les valeurs intrinsèques (propriété inhérente de l’entité). Comme le souligne la Fondation de la Recherche pour la Biodiversité (FRB), une critique peut être exprimée quant à la notion d’instrumentalité qui est moralisatrice. En effet, c’est moins le côté instrumental qui compte que le côté destructeur. Aussi, une opposition « destructeur/non destructeur » apparaîtrait plus adaptée.
Les auteurs du rapport appellent donc à l’intégration des différentes valeurs de la nature dans les processus décisionnels, ce qui passera assurément par des réformes des institutions et des normes en place. Il restera, bien sûr, à approfondir la notion de prix pour une nature détruite.
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[1] de son nom complet la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques.
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