Gabriel Attal ouvre la porte au détricotage du plan Écophyto
Publié le 22/02/2024
Onze organisations de protection de l’environnement et organisations agricoles, dont Humanité et Biodiversité, dénoncent les décisions prises par le Premier ministre au mépris des connaissances scientifiques, dont l’abandon de l’indicateur de suivi du Plan Écophyto fondé sur les doses d’usage tel que le NODU, et réaffirment leur volonté de continuer à accompagner les agriculteurs sur le terrain pour réduire leur dépendance aux pesticides.
À la suite des dernières annonces de Gabriel Attal, le NODU, indicateur de référence du plan Ecophyto depuis son lancement en 2008, a finalement été abandonné au profit d’un nouvel indicateur, le HRI1. Alors que les experts du comité scientifique et technique du plan alertent sur la nécessité de conserver un indicateur fondé sur les doses d’usage tel que le NODU, nos ONG et organisations agricoles dénoncent les décisions prises par le Premier Ministre et son gouvernement au mépris des connaissances scientifiques.
Derrière le choix de l’indicateur, un recul inquiétant
Le choix de l’indicateur de suivi de l’usage des pesticides n’est pas anodin. L’indicateur HRI1, tel qu’il est actuellement conçu, pose plusieurs problèmes, comme le montre cette vidéo explicative et le détaillent les experts du comité scientifique et technique du plan. L’argument des autorités de s’aligner sur un indicateur européen ne tient pas, les discussions sur le règlement européen visant à encadrer l’usage des pesticides étant au point mort. Derrière un débat en apparence limité à la question de l’indicateur et de la période de suivi du plan se cache donc une volonté de dénaturer l’ambition même de la réduction des pesticides en France.
"La fin du NODU n'est pas seulement le triste dénouement d'un débat technique sur le choix d'un bon indicateur. Elle signe le reniement pur et simple des objectifs de la stratégie originelle d'Ecophyto. Les quatre catégories du HRI se basent sur la seule évaluation a priori des risques, et surtout pour la santé humaine. Or, Écophyto avait pour ambition de réduire l'ensemble des usages de pesticides, afin de prendre en compte les potentiels effets des faibles doses, les effets cocktails, les effets à long terme, et aussi les impacts durables des résidus sur l'eau, les sols, la biodiversité de manière très lare. Cela n'a plus rien à voir."
Bernard Chevassus-au-Louis, président de l'association Humanité et Biodiversité dans le journal Libération du 21 février 2024.
Quelle place pour les parties prenantes dans la prise de décision ?
Après une consultation jouée d’avance et l’absence de communication des résultats aux membres du COS (l’organe chargé de suivre la mise en œuvre du plan), nous actons la rupture de confiance. Nous ne pouvons pas continuer à travailler dans de telles conditions, sans respect du dialogue environnemental hérité du Grenelle de l’environnement.
Sortir des pesticides, là est l’urgence
La mise en place de systèmes de production agricole moins dépendants aux pesticides est possible et plus que jamais une urgence sanitaire et écologique. Les connaissances sur les effets délétères de ces molécules sur la santé humaine se renforcent chaque année (Inserm, 2021, INRAE/Ifremer, 2022). Les expertises scientifiques sont unanimes pour souligner que tous les compartiments de notre environnement sont contaminés, y compris la biodiversité dans son ensemble (CNRS, 2023, INRAE/Ifremer, 2022…). Ces impacts ont un coût. Les travaux de l’université de Louvain, du BASIC et de leurs partenaires estiment, pour l’année 2017, les "coûts sociétaux cachés" liés aux pesticides à un minimum de 372 millions € par an rien que pour la France (dépollution de l’eau, frais de santé…).
Sans indicateur valable, l’objectif de -50% des usages ne tient plus
Modifier le thermomètre pour afficher un progrès qui n'en est pas un, ne fera que créer de nouvelles incompréhensions dans le monde agricole, lorsque la société constatera dans les années à venir qu’aucun de ces problèmes n’a été résolu, alors que l'usage des pesticides est censé avoir diminué d'après l'indicateur HRI1. Nos onze ONG et organisations agricoles continueront à accompagner les agriculteurs sur le terrain pour réduire leur dépendance aux pesticides. Nous demandons à conserver un indicateur fondé sur les doses d’usage tel que le NODU, au risque de voir la société civile se désinvestir d’un plan vidé de sa substance.
« Ça va être difficile de suivre l’ambition de réduire de 50 % l’usage des pesticides si on supprime le seul outil permettant justement de mesurer leur usage. Remettre en cause le Nodu, c’est indirectement remettre en cause le plan Écophyto, et c’est un renoncement à une ambition française plus protectrice de la santé des citoyens et des agriculteurs. »
Sandrine Bélier Directrice d’Humanité et Biodiversité dans une dépêche de l’AFP du 21 février 2024.
> Retrouvez les signataires et le CP ci-après
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Crédits photo : hpgruesen_pixabay
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