Loi d'orientation agricole : une occasion manquée
Publié le 13/05/2024
Depuis plus d’un an, nous travaillons sur la Loi d’Orientation Agricole (LOA) annoncée de longue date, et dont la présentation a été plusieurs fois reportée. Les débats sur ce texte commencent à l’Assemblée nationale ce 14 mai, avant son passage au Sénat en juin. Malheureusement, le projet de loi présenté par le ministère de l’Agriculture rate sa cible en passant à côté d’enjeux majeurs pour la production alimentaire de demain.
Ce qui nous inquiète dans cette loi :
Des affirmations trompeuses : l’exposé des motifs affirme que « la multiplication des régimes d’autorisation ou de déclaration applicables aux haies a pu conduire à une réduction des linéaires de haies depuis plusieurs décennies ». Autrement dit, les différents textes de loi qui protègent les haies auraient mené… à leur destruction ! Une assertion sans fondement.
Des sanctions moindres en cas d’atteinte à la nature : l’article 13 vise à « substituer à des sanctions pénales existantes un régime de répression administrative ». Autrement dit, à abaisser les sanctions pour les atteintes à la conservation de la flore et de la faune sauvage et des habitats naturels.
Une menace pour les haies : sous couvert de simplification, l’article 14 permettrait de considérer une destruction de haie comme autorisée si une réponse n’est pas apportée par l’administration dans un délai qui sera fixé par décret. Le risque, c’est que l’administration soit submergée de nombreuses demandes et ne puisse instruire les dossiers à temps, ce qui permettrait de fait la suppression de précieuses haies, alors que la France en a perdu 70 % depuis 1950, soit environ 1,4 million de kilomètres.
Plus de méga-bassines et de méga-élevages : l’article 15 a pour objectif de faciliter la construction de méga-bassines et le développement de fermes-usines en réduisant les délais de recours.
Notre travail pour améliorer ce projet de loi
Le suivi de ce projet de loi s’est notamment fait dans le cadre du Collectif Nourrir, dont Humanité et Biodiversité est membre. Ce collectif rassemble 54 organisations paysannes, de protection de l’environnement et du bien-être animal, de solidarité internationale, de citoyens, de consommateurs ou d’acteurs de la santé. Nous sommes actifs au sein du groupe de travail Loi d’Orientation Agricole qui se réunit toutes les 3 semaines environ, et permet un échange d’informations et un travail en commun sur des propositions et des amendements. Il a notamment donné lieu à la campagne avec-ou-sans-paysans.fr.
Nous considérons que ce n’est pas rendre service aux agricultrices et agriculteurs d’être plus permissif en cas d’atteinte à l’environnement, de faciliter l’arrachage des haies ou d’accélérer la création de méga-bassines. En effet, un sol vivant, un paysage agricole diversifié et une eau équitablement partagée sont essentiels pour une production de qualité, peu dépendante des intrants. D’autre part, il est évident pour nous que le renouvellement des générations, objectif majeur de cette loi, passera nécessairement par un renouvellement des pratiques. En effet, un tiers des candidats à l’installation choisissent l’agriculture biologique, voire beaucoup plus selon pour certaines filières et régions. Pour le maraichage en Bretagne par exemple, pas moins de 80 % des nouveaux producteurs optent pour le bio.
Au cours des derniers mois, nous avons fait valoir nos arguments auprès des parlementaires et des ministères :
En février puis en avril, nous avons été reçus par la directrice adjointe du cabinet de Christophe Béchu pour discuter des questions agricoles. Nous avons profité de cette occasion pour alerter sur les reculs en cours qui se font au préjudice de la biodiversité et n’aideront pas le monde agricole sur le long terme.
Le 14 mars, huit organisations nationales de protection de la nature, dont Humanité et Biodiversité, ont été reçues par le Premier ministre pour un échange sur la crise agricole. Notre association a été représentée par notre président, Bernard Chevassus-au-Louis.
Le 10 avril, nous avons participé à une audition du groupe écologiste à l'Assemblée nationale sur la LOA, lors de laquelle nous avons notamment insisté sur :
- L’écart entre l’exposé des motifs qui cite 12 fois les “transitions agroécologique et climatique” et un projet de loi qui ne porte aucune ambition concrète en la matière.
- L’incohérence qu’il y a à “consacrer” l’agriculture intensive et industrielle dans un texte censé favoriser le renouvellement des générations alors que de nombreux jeunes qui s’installent choisissent l’agroécologie.
- La dichotomie entre la souveraineté agricole et alimentaire visée dans le texte et l’absence de mesure pour réduire les importations massives nécessaires au maintien du modèle actuel pour l’alimentation du bétail (soja notamment) et les intrants (engrais et pesticides largement produits à l’étranger).
Nous continuerons à suivre l’examen de ce projet de loi et à porter nos revendications pour que le texte adopté soit à la hauteur de l’urgence écologique, tout en soutenant le monde agricole afin qu’il réussisse l’essentielle transition vers l’agroécologie.
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