Une loi d'orientation agricole pour faciliter la destruction du Vivant
Publié le 30/05/2024
Ce mardi 28 mai 2024, la Loi d'orientation agricole a été adoptée (en première lecture) sans enthousiasme par une faible majorité à l'Assemblée nationale. Si le texte inscrit l'agriculture comme « intérêt général majeur » dans une optique de « souveraineté alimentaire », il tourne pourtant le dos à bien des engagements liés à la transition agroécologique nécessaire à l'agriculture, à la santé et à la préservation de la biodiversité. À tel point que la loi se présente finalement comme un recul majeur en matière de protection de l'environnement. Explications.
Dans un récent article, nous expliquions en quoi le projet de loi d'orientation agricole passait à côté d'enjeux majeurs pour la production alimentaire de demain. Nous rappelions enfin les menaces pour les haies ou la réduction inquiétante des délais de recours, notamment dans le cadre des projets de méga-bassines et méga-élevages.
Mais au lendemain de l'adoption du texte par les députés, c'est en premier lieu l'article 13 de la Loi d'orientation agricole qui nous préoccupe, car il réserve la qualification de délit aux atteintes intentionnelles à l’environnement, et remet donc gravement en question l’échelle des peines encourues en cas d'atteinte à la biodiversité. Ainsi, la destruction d'une espèce protégée qui constitue aujourd'hui un délit ne serait plus sanctionnée dès lors qu'il ne serait pas possible de prouver que cet acte était volontaire. Or, il est très difficile de démontrer une volonté de destructions illicites d’espèces, d’habitats naturels ou de sites géologiques protégés.
Cette disposition laisse donc craindre une multiplication des actes malveillants envers la biodiversité.
De plus, elle semble contraire à la récente directive européenne (UE) 2024/1203 du 11 avril 2024 (relative à la protection de l’environnement par le droit pénal) que la France doit mettre en œuvre.
Par ailleurs, cette nouvelle disposition adoptée par amendement n'a pas été soumise à l'avis du Conseil d'État, qui signalait déjà un certain nombre de points problématiques dans ce projet de loi : les principes de proportionnalité des peines et d'égalité devant la justice ne sont pas respectés, l'intérêt des projets hydrauliques (comprendre méga-bassines) ne peut s'apprécier qu'au cas par cas ou encore le risque de complexification et de rallongement des procédures, créé par des dispositions pourtant censées répondre aux enjeux de simplification. Malgré ces alertes, le gouvernement n'a pas revu sa copie, alors que le Conseil d'Etat, plus haute juridiction administrative, l'invitait à ne pas retenir certains articles "susceptibles de présenter des risques de constitutionnalité".
La loi inclut également un "droit à l'erreur" et une "bonne foi présumée" pour les agriculteurs en cas de contrôles administratifs. Un argument supplémentaire qui ne plaide pas en faveur d'une transition agroécologique partagée par tous.
Dans le contexte actuel d’effondrement de la biodiversité, cette loi d'orientation agricole rate une occasion de réorienter la production alimentaire française vers l’agroécologie. Au contraire, elle apporte des reculs environnementaux conséquents.
Après son passage à l’Assemblée, ce projet de loi sera examiné par le Sénat au mois de juin.
Humanité et Biodiversité invite les sénateurs à en rehausser l’ambition, et notamment à supprimer cet article 13 que nous jugeons comme le plus problématique.
Pour y parvenir, une pétition a été lancée par un collectif d'associations, dont Humanité et Biodiversité. Ajoutez votre voix aux milliers d'autres en cliquant sur ce lien !
D'avance, merci pour votre mobilisation et le partage de cette pétition autour de vous !
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Lien de la pétition : https://www.mesopinions.com/petition/nature-environnement/destruction-especes-protegees-impunite-offerte-loi/230916
Signataires de la pétition : Animal Cross, AJAS, Alsace nature, APRAD, ASPAS, Aves, Bretagne vivante, Crow life, Education Ethique Animale, Etats sauvages, Ferus, Groupe mammologique breton, Humanité et Biodiversité, Libre forêt, Mille Traces, Noé, One voice, Pays de l'Ours-Adet, Perche nature, SNDA, Wild Bretagne
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Photo : Eddie Junior / Unsplash
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