Projet de loi simplification : de nombreux reculs environnementaux
Publié le 22/04/2025
Le projet de loi dit "de simplification de la vie économique" est actuellement en discussion à l’Assemblée Nationale. Il vise à réduire la complexité administrative pour permettre aux entreprises de développer leurs projets, notamment de réindustrialisation, mais vient en réalité s’attaquer à la transition écologique.
De nombreux reculs environnementaux pourraient découler de l'adoption de cette loi. Suppression d’instances environnementales, remise en cause du débat public, abrogation de mesures visant à limiter l’artificialisation des sols et instabilité juridique autour de notre avenir énergétique, les dispositions portées dans cette loi sont très inquiétantes.
Après avoir été voté au Sénat en 2024, le projet de loi a été grandement modifié, et a empiré, lors de son passage en commission spéciale. Le texte actuel est en cours de discussion dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale. Les débats sont actuellement en pause et reprendront le 29 avril, l’occasion de faire un point d’étape sur les mesures les plus problématiques.
• Suppression d’instances environnementales
Le texte initial de la commission venait supprimer de nombreuses instances étatiques jugées inutiles, mais pourtant nécessaires à la vie démocratique et environnementale. Heureusement, en séance publique, les députés sont revenus sur de nombreuses suppressions, notamment celle des Conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (Ceser), qui étaient vivement critiquées.
En revanche, des instances telles que l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement ou l’Observatoire des espaces naturels, agricoles et forestiers sont bel et bien supprimés.
• CNDP et projet industriel
Des amendements à cette loi ont été déposés, visant à supprimer ou affaiblir la Commission Nationale du Débat Public (CNDP). Cette institution est pourtant indispensable pour garantir l’information et la participation de citoyens dans de nombreux projets ayant un impact sur l’environnement. Elle permet également l’acceptation des populations à la mise en œuvre de projets sur leur territoire.
Certains députés essaient, à travers cette loi, de retirer à la CDNP sa mission concernant les projets industriels, voire à la supprimer totalement. Sous prétexte de simplification, ils souhaiteraient ôter aux citoyens la capacité de s’informer et de participer à l’élaboration de ces projets, ce qui provoquerait une multiplication des contentieux et reviendrait finalement à ralentir et complexifier leur mise en œuvre.
La suppression de projets industriels du champ de compétence de la CNDP est reprise d’un décret mis en consultation par le gouvernement il y a quelques semaines et déclaré illégal par le Conseil d’Etat. Son inscription dans la loi a pour but de contourner cet avis et nous appelons à ce que ce ne soit pas le cas.
• Remise en cause du ZAN
Si le Sénat vient de voter la loi TRACE, censée arriver à l’Assemblée dans les prochains mois, les députés de la commission n’ont pas attendu pour intégrer des dispositions similaires dans la loi simplification. En effet, l’article 15bisD de l’actuelle loi en discussion vient s’attaquer à l’objectif Zéro Artificialisation Nette (ZAN). L’objectif intermédiaire fixé à 2031 de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers est ainsi supprimé. Or, cet objectif transitoire est essentiel à l’atteinte du ZAN en 2050. Nous espérons la suppression de cet article de la loi lors de la suite des discussions en séance plénière. D’autant que cette thématique est au cœur de la loi TRACE, qui sera discutée à l’Assemblée dans l’année.
• Suppression de la PPE
Le projet de loi simplification vient aussi créer de l’incertitude concernant la planification énergétique de la France. En effet, sa rédaction actuelle en sortie de commission vient supprimer toute mention à la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et prévoit le vote d’une loi de programmation énergétique au 1er juillet 2026 pour les 60 prochaines années.
S’il est important, notamment pour les énergéticiens, d’avoir de la visibilité sur l’avenir de l’énergie en France, il est dangereux de graver dans le marbre cette programmation pour 60 ans, alors que les enjeux liés à cette question restent inconnus sur une si longue période.
De plus, une PPE est actuellement en consultation et devrait être publiée à tout moment. Ce texte vient créer énormément d’incohérence et de risques juridiques sur notre avenir énergétique. Mais des amendements visant à revenir sur cette suppression vont être débattus à l’Assemblée, et nous appelons à ce qu'ils soient adoptés.
• RIIPM automatique
Les députés ont également adopté un amendement permettant d’accorder de manière automatique la « raison impérative d’intérêt public majeur » (RIIPM) à de nombreux projets d’infrastructures. Cette RIIPM permet notamment aux autorités publiques de délivrer très facilement des dérogations espèces protégées, ce qui permet la destruction de ces espèces et de leur habitat.
Sous couvert de simplification administrative pour les entreprises, cette loi vient s’attaquer à de nombreuses dispositions et institutions nécessaires à la protection de la nature. Elle s’inscrit dans un phénomène de reculs majeurs entamé il y a quelques années, avec une succession de textes de plus en plus régressifs. Nous restons mobilisés et engagés pour la préservation des règles qui visent à préserver l'environnement.
____________________
Lire aussi :
Loi TRACE : nouvelle attaque du Sénat contre l'objectif ZAN
Consultation CNDP : projet de décret contre la démocratie environnementale
Position d'H&B - La programmation pluriannuelle de l'énergie
Photo de couverture : panorama de l'hémicycle de l'Assemblée Nationale © Richard Ying et Tangui Morlier
L'Écho n°120 "Déterrage du blaireau : stoppons le massacre !"
Les adhérents d'Humanité et Biodiversité viennent de recevoir L'Écho n°120, édition estivale de...
L'Écho n°118 : PAC, une opportunité à ne pas manquer pour la biodiversité !
C'est quoi la Politique Agricole Commune ? Pourquoi la réforme de la PAC est-elle décisive pour...
Atlas de la Biodiversité Communale (ABC)
Le 4ème appel à manifestation d’intérêt lancé par l’OFB L’Office Français de la...
L'Écho n°119 spécial rapport d'activité 2019
Au cours de l'année 2019, de nombreux évènements ont confirmé, hélas, le bienfondé des analyses...
Livre blanc "Pour que vive la Nature"
Le guide pour agir de 14 ONG de protection de la biodiversitéPublié le 22/05/2020Vendredi 22 mai...
Lancement de l’Office Français de la Biodiversité
Poursuivez ici selon votre inspiration...À Chamonix, en Haute-Savoie, le 13 février 2020, le...