Des énergies renouvelables sans régressions écologiques et démocratiques
Publié le 13/09/2022
Le Conseil national de la transition écologique (CNTE) a adopté le 8 septembre dernier un avis critique sur le projet de loi concernant les énergies renouvelables, avant sa présentation en conseil des ministres qui aura lieu le 26 septembre. Notre association Humanité et Biodiversité et cinq autres ONG du collectif "Cap nature & biodiversité" ont envoyé un communiqué dans lequel elles expriment leur position favorable au développement des énergies renouvelables (EnR) sous réserve qu'il se fasse dans le respect des procédures de consultation publique et du droit de l'environnement : deux conditions indispensables pour ne pas faire subir des pressions supplémentaires à la biodiversité et assurer le développement des EnR à long terme.
Un projet de loi sur les EnR non acceptable en l'état
Pour nos associations, l’exposé des motifs du projet de loi relatif à l’accélération des EnR, tel que présenté au CNTE le 8 septembre, n’est pas acceptable en l’état, pas plus que la consultation du CNTE en urgence en pleine période estivale et dans des délais contraints.
L'avis présente l'ambition de rattraper le retard de la France en matière de développement des énergies renouvelables, l'un des leviers pour lutter contre le réchauffement climatique. Mais quand on sait que de nouvelles implantations d'EnR ne pourront pas entrer en service avant plusieurs années, l'invocation de l’urgence liée à la guerre en Ukraine n’est pas pertinente.
La seule réponse acceptable à cette urgence serait des mesures législatives sur la sobriété énergétique et cette loi ne contient aucune mesure dans ce domaine. De plus, nos ONG n’acceptent pas que l’on attribue la lenteur du développement des EnR aux procédures environnementales et aux consultations et débats publics prévus par les lois en vigueur. Les causes du retard sur les objectifs affichés sont à trouver du côté :
- des fluctuations des politiques publiques depuis des années,
- de la diminution progressive des moyens des services déconcentrés de l’Etat pour instruire et suivre les projets,
- du non-respect par les services de l’État des avis négatifs des structures d’évaluation environnementale, source de contentieux,
- de l’absence de planification aux différentes échelles territoriales,
- d’une dépendance trop grande à l’énergie nucléaire.
"Nous sommes parvenus à un bon avis sur un mauvais projet de loi", a confié Sandrine Bélier, la directrice d'Humanité et Biodiversité, au journal Le Monde lors d'une interview.
L'érosion de la biodiversité minimisée dans le projet de loi
L’érosion de la biodiversité n’est mentionnée que comme une conséquence des dérèglements climatiques dans le projet de loi, alors qu’elle résulte principalement jusqu’à maintenant de multiples autres pressions, notamment la dégradation des habitats naturels et agricoles, que ce projet de loi risque d’aggraver en l’état. Au contraire, la préservation des écosystèmes est une solution pour lutter contre le réchauffement climatique et limiter ses conséquences pour les sociétés humaines.
Dans le projet de loi, les mesures dérogatoires temporaires envisagées pour une durée de 4 ans, dans le but de « simplifier » le développement des projets EnR, risquent au contraire de complexifier inutilement les procédures et d’augmenter l’insécurité juridique des projets. Pour nos associations, la disposition prévoyant de déroger au principe de non régression environnementale, selon lequel la protection de l'environnement ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, est inadmissible et créerait un dangereux précédent.
Par ailleurs, nos associations déplorent les mesures facilitant l'attribution de la dérogation à l'obligation de protection des espèces protégées, accordée à certains projets considérés d'intérêt public majeur.
Un risque de diminution de la participation du public
Le projet de loi propose aussi l'accélération et la "parallélisation" des procédures de consultation du public avec la procédure d'avis de l'autorité environnementale, ainsi que leur dématérialisation dans certains cas.
Selon nos ONG, cette « parallélisation » des procédures introduit un risque juridique majeur par rapport aux directives européennes. Nous rappelons en effet que l’avis de l’autorité environnementale doit être disponible et publiée en amont du débat public.
De même, la participation du public aux débats et enquêtes publiques contribue à l’acceptation sociale d’une transition énergétique choisie et est un facteur essentiel du bon développement des projets. Cette participation ne doit en aucun cas être envisagée de manière totalement dématérialisée.
Pour de meilleures mesures concernant le photovoltaïque
Les ONG signataires souhaitent qu’une définition contraignante de la notion d’agriphotovoltaïsme soit instaurée, préférablement de niveau législatif, pour garantir la compatibilité de l’implantation de panneaux photovoltaïques avec la poursuite d’une activité agricole respectueuse de la biodiversité et permettant d’assurer une autonomie alimentaire.
Le projet de loi prévoit, en outre, des dérogations à la loi Littoral et à la loi montagne pour l'installation de panneaux photovoltaïques au sol. Cela est contradictoire avec la politique de lutte contre l'artificialisation, en particulier dans des territoires riches en biodiversité, et il serait préférable de mobiliser en priorité les espaces bâtis et déjà artificialisés. Il est regrettable que le projet de loi fasse l’impasse sur le photovoltaïque en toiture, sur l’autoconsommation et sur les projets citoyens. À cet égard, il serait très utile de permettre un accès massif des particuliers, a fortiori les plus modestes, à des installations solaires thermiques ou photovoltaïques sur toiture en autoconsommation. Cet accès permettrait non seulement de contribuer aux objectifs de décarbonation et de souveraineté, mais aussi d’alléger immédiatement le budget énergie des ménages, dans un contexte où les prix de l’électricité sont élevés. De même les seuils d’obligation d’équipement des parkings auraient pu être plus exigeants.
Diminuer concrètement les impacts des EnR sur la biodiversité
Enfin, nos ONG signataires regrettent qu’aucun objectif de réduction effective des impacts directs et indirects des énergies renouvelables sur les composantes de la biodiversité (mortalité des individus, populations, espèces, dérangement, perturbation des voies de migration) et sur les surfaces encore peu anthropisées, ne soit évoqué dans le projet de loi, alors qu'il devrait être mis en avant avec un fort degré de priorité. Un des objectifs d'une telle loi devrait être de promouvoir un dialogue constructif entre scientifiques, gestionnaires, décideurs locaux et industriels des EnR. Parallèlement, la recherche scientifique devrait pouvoir bénéficier de moyens supplémentaires pour accompagner cette ambition de réduction des impacts des EnR. A ces conditions, l'accélération du déploiement des ENR pourra réellement être confortée.
Nous n'avons plus qu'à attendre le conseil des ministres qui se tiendra le 26 septembre et espérer vivement qu'il prendra en compte nos recommandations...
>> LIRE LE COMMUNIQUÉ DES ONG <<
"Oui au développement des énergies renouvelables
mais sans régressions écologiques et démocratiques"
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