"Moins et mieux de viandes dans les cantines"
Dans les prochains jours, les parlementaires débattront du projet de loi Climat et Résilience et de la proposition d’instauration d’une option végétarienne quotidienne obligatoire dans les cantines, dans un contexte où la question de la place de la viande dans les menus est fortement présente dans le débat public.
Le 2 mars, l'Association Nationale Interprofessionnelle du Bétail et des Viandes (Interbev) a publié une lettre ouverte pour appeler à un apaisement du débat concernant la consommation de viande dans les cantines scolaires et proposer aux associations environnementales de continuer à travailler ensemble en faveur de la diversification des sources de protéines au profit d’une consommation de viande durable. Cette lettre est bienvenue dans un contexte où nombreux sont ceux qui, par intérêt, souhaitent nous opposer, en alimentant les concepts construits de toute pièce d’”agribashing” et d’”ecolobashing”.
Nous accueillons cette lettre avec intérêt et partageons l’idée qu’il n’y a pas deux camps « divisés entre ceux qui voudraient supprimer toute trace de viande dans le régime alimentaire des enfants et ceux qui souhaiteraient leur en faire manger chaque jour, matin, midi et soir ».
Nous, organisations de protection de la nature, travaillons et échangeons depuis de nombreuses années avec Interbev et partageons la vision globale défendue dans sa lettre : “Mieux vaut manger de faibles quantités de viande à la cantine… mais uniquement de la viande d’origine française, issue de nos systèmes d’élevage durables et familiaux ”. Ce “ Moins et Mieux ”, qui est également la position défendue par nos organisations, appelle les pouvoirs publics à soutenir un élevage et une consommation de protéines animales respectueux de la nature.
Nous soutenons la réduction de l’ensemble des protéines animales (pas uniquement de la viande rouge) pour plusieurs raisons. Tout d’abord, parce que la végétalisation de notre alimentation et la transition écologique de l’élevage sont indispensables pour lutter contre le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité, comme le soulignent les scientifiques. Ensuite, parce que la diversification des sources de protéines est bénéfique pour la santé – elle constitue un levier massif de lutte contre l’épidémie d’obésité et l’explosion des maladies cardio-vasculaires. Enfin, car elle répond à une forte attente sociétale : une large majorité des Français (80 %) est favorable à ce que l’Etat rende obligatoire l’offre de menus végétariens plusieurs fois par semaine dans la restauration collective, en phase avec la proposition de la Convention citoyenne pour le climat d’introduire une option végétarienne quotidienne dans la restauration collective publique.
C’est pourquoi, dans le cadre de l’examen de la loi Climat et Résilience, nous invitons les parlementaires à adopter les amendements proposant l’instauration de menus équilibrés sans viande ni poisson dans l’ensemble de la restauration collective (une option végétarienne obligatoire quotidienne ou deux menus végétariens hebdomadaires). En plus de constituer une solution efficace pour lutter contre le dérèglement climatique, cette mesure représente également une opportunité pour les éleveur·euses français·es.
En effet, l’introduction de menus végétariens permet de dégager du budget qui peut être réinvesti dans l’approvisionnement en viande locale et durable (bio en particulier). D’après l’Observatoire de la restauration collective bio et durable, sur une cohorte de 6000 cantines dont 78 % en régie directe proposant 35 % de bio en moyenne. Les cantines qui proposent le plus de menus végétariens sont également celles qui proposent le plus de viande bio et locale : 20 % des cantines sans menu végétarien proposent de la viande bio locale contre 38 % pour celles qui proposent un menu végétarien hebdomadaire et 50 % pour les cantines avec un menu végétarien quotidien.
À l’instar d’Interbev, nous soutenons l’approvisionnement issu d’élevages herbagers et autonomes et nous nous opposons à la production et à l’importation de viandes issues de systèmes d’élevage ultra-industrialisés. Ce point est d’autant plus important qu’en restauration collective, les viandes ne proviennent qu’exceptionnellement d’élevages durables et de proximité. Selon les sources et le type de viande, entre 40 et 70 % des volumes seraient importés.
C’est pourquoi, nos organisations soutiennent également des mesures de soutien à l’élevage durable dans le Plan Stratégique National (PSN, déclinaison de la PAC en France, actuellement en construction), en particulier en fléchant les aides couplées vers les élevages herbagers et les élevages extensifs les plus vertueux et résilients et en créant un paiement pour services environnementaux (PSE) pour les prairies et pour les élevages extensifs.
Nous sommes convaincus que l’élevage durable possède de réels atouts environnementaux en termes de maintien de la biodiversité ou de stockage de carbone qu’il convient de préserver et de valoriser. Poursuivons ensemble le dialogue pour accélérer la transition de l’élevage vers des systèmes plus respectueux de notre environnement et du bien-être animal.
Télécharger notre lettre ci-dessous
Signataires :
- Véronique Andrieux, Directrice générale du WWF France
- Morgane Créach, Directrice du Réseau Action Climat
- Cécile Ostria, Directrice Générale de la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme
- Jean-François Julliard, Directeur général de Greenpeace France
- Arnaud Schwartz, Président de France Nature Environnement
- Bernard Chevassus-au-Louis, Président d’Humanité et Biodiversité
- Léopoldine Charbonneaux, Directrice de CIWF France
Voir aussi :
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