Position d'H&B - Risque incendie en forêt
Septembre 2022
Alors que la France a connu une vague de chaleur et de sécheresse sans précédent dès le mois de mai 2022, que le risque incendie s’aggrave dans le sud ais aussi sur l’ensemble du territoire métropolitain et que les prédictions annoncent que 50% des forêts métropolitaines seront soumises à un risque incendie élevé dès 2050[1], Emmanuel Macron a annoncé « bâtir des règles plus protectrices et des règles de prévention dans la durée face à ces feux » .
Le changement climatique, combiné à la déprise agricole et à l'urbanisation croissante, expose en effet le territoire national à une augmentation du risque d'incendie, notamment de forêts. Ces feux de forêt, conséquence des changements climatiques, rejettent une quantité importante de CO2 dans l’atmosphère. D’après le système européen d’information sur les incendies, à la fin juillet, plus d'un million de tonnes de CO2 ont déjà été libérées par des incendies en France en 2022 ; alors qu'habituellement la moyenne à cette période se situe légèrement au-dessus de 0,5 million de tonnes.
Les conclusions des Assises nationales de la forêt et du bois de mars 2021 consacraient, à juste titre, une fiche action dédiée à l’évaluation du risque incendie en forêt (page 15 du document PDF annexe - fiche action 2.4) et rejoignaient les alertes des ONG : la forêt française est aujourd'hui en crise, en témoigne la mortalité croissante des peuplements forestiers et la baisse globale de leur productivité depuis deux décennies. On observe par exemple une augmentation de 30% du stock d’arbres morts sur pied de moins de 5 ans sur les années 2018-2019. Ce « dépérissement » est généralement attribué aux modifications climatiques, puisque les sécheresses récurrentes fragilisent les arbres et que la douceur hivernale favorise les pullulations de bioagresseurs. Si le changement climatique est une cause majeure, il est aussi le révélateur d'écosystèmes forestiers fragilisés par des décennies de pratiques sylvicoles focalisées sur la production de bois[2]. Le troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), issu de la Stratégie française énergie climat (SFEC) et qui sera élaboré en 2023 devra faire de la prévention du risque incendie en forêt un axe fort. En effet, l’augmentation de leur fréquence et de leur intensité constitue une réelle menace pour les territoires, les populations et la biodiversité.
Dans ce contexte, notre association souhaite contribuer aux réflexions pour prévenir le risque incendie tout en préservant la biodiversité, mais aussi pour assurer la reconstitution des écosystèmes forestiers après le passage d’un feu. En outre, dans le cadre du projet de loi de finances 2023, nous proposons de réorienter le budget dédié aux incendies en forêt, en doublant celui dédié à la prévention, comme le préconise le récent rapport du Sénat « Feux de forêt et de végétation : prévenir l’embrasement » .
Enfin, nous tenons à rappeler en préambule qu’il faut raison garder quant aux explications trop précipitées et veiller à bien distinguer et qualifier aléas et vulnérabilité, d’autant que, face à certains aléas extrêmes, tout écosystème ou presque est vulnérable. Par ailleurs, ce document ne prétend pas à l’exhaustivité et s’attèle à traiter le risque incendie sous le prisme de la biodiversité, objet d’étude de notre association.
1. Des techniques de prévention du risque incendie en forêt compatibles avec la préservation de la biodiversité
Le risque incendie étant directement lié aux caractéristiques du territoire (topographie, végétation, nature et occupation du sol, structure du peuplement, etc.), et aux conditions météorologiques (sécheresse et vent), il existe divers moyens de le prévenir. Les régimes du climat et de la biodiversité agissant souvent par synergies, la réduction des risques naturels et notamment du risque incendie réside notamment dans la combinaison de stratégies d’atténuation et d’adaptation au changement climatique dans toutes les forêts françaises, publiques comme privées et dans la préservation, la gestion durable et la restauration des fonctionnalités des écosystèmes, ici forestiers.
La préservation des vieilles forêts et des forêts subnaturelles
Le plan national vieux bois et forêts subnaturelles (page 11 du document PDF annexe - action 2.2), réclamé par les ONG depuis 2004 et qui devrait être rédigé en 2023, devra tenir compte de ce risque feux de forêt. En effet, 25% des espèces forestières vivent aux dépens du bois mort et de sa décomposition, étape indispensable à la chaîne de fabrication de l’humus. Les vieilles forêts regorgent de troncs avec des cavités, des petites mares, etc. que l’on nomme « dendromicrohabitats » où ces espèces peuvent résider. S’il n’existe aujourd’hui pas de statut juridique adéquat pour préserver pleinement les vieux bois, différents dispositifs peuvent être utilisés :
1. Des plans de gestion au sein des réserves biologiques, réserves naturelles nationales, arrêtés préfectoraux de protection de biotope et espaces naturels sensibles forestiers incluant le risque feux de forêts avec un raisonnement à l’échelle du territoire ;
2. Des plans de gestion ou documents d’objectifs (DOCOB) pour les sites Natura 2000, délimitant des îlots de sénescence ou zones de libre évolution et prenant en compte le risque feux de forêt dans leur détermination ;
3. Les obligations réelles environnementales (ORE) pour s’engager à protéger la biodiversité ;
4. Racheter de forêts via des conservatoires d’espaces naturels ou des associations comme l’Association de protection des animaux sauvages (ASPAS).
Gestion durable et restauration d’une mosaïque de milieux intra-forestiers
La gestion durable et la restauration d’une mosaïque de milieux ouverts et semi-ouverts (clairières, pelouses, fourrés, haies arbustives, prairies, friches, etc.) parmi les massifs forestiers participent à instaurer des configurations paysagères plus résistantes aux feux. Actuellement, la dynamique naturelle des milieux forestiers tend vers une fermeture des milieux, en particulier en régions méditerranéenne et de montagne, en raison de la déprise pastorale. L’écopastoralisme (entretien de pâturages par l’élevage extensif d’animaux herbivores) permet de maîtriser l’embroussaillement en limitant la présence d’un sous-étage inflammable (herbacées et ligneux). Cette méthode peut être associée à l’agriculture (agropastoralisme) et/ou à la sylviculture (sylvopastoralisme), afin d’associer l’activité d’élevage et/ou les cultures et les objectifs forestiers. La combinaison de ces activités permet de maintenir des interfaces agriculture-forêt, dites « coupures vertes », qui structurent le territoire en massifs forestiers cloisonnés et réduisent de ce fait la montée en puissance des incendies.
Prévenir les feux consiste aussi à travailler sur les interfaces entre la forêt et les zones urbanisées. Il convient de veiller à maintenir le double objectif de prévention du risque et de limitation de l’artificialisation excessive des sols. Or, si le débroussaillage[3] est une technique très efficace de lutte contre le feu, cette pratique se fait aux dépens de la biodiversité. Nous préconisons de développer autant que faire se peut le débroussaillage manuel puisqu’il permet d’éviter le tassement et le remaniement du sol par les engins mécaniques lourds. Si le débroussaillement est mécanique, il est nécessaire de libérer le sol des produits de coupes (herbes sèches, foins, etc.) ou de s’assurer de leur rapide dégradation pour éviter leur inflammation. De plus, les divers instruments de gestion des territoires - dont on parlera plus loin - doivent être vigilants sur le débroussaillage de précaution et éviter la mise à nue inutile de sols. Dans les zones à aléa fort, il est également indispensable de limiter les nouvelles constructions, ce qui s’inscrit d’ailleurs dans l’objectif de division par deux de l’artificialisation d’ici 2030 et de zéro artificialisation nette à horizon 2050.
Toutefois, ces actions doivent faire l’objet d’un diagnostic préalable, à la fois pour éviter de faire peser une pression d’herbivorie domestique trop importante sur les milieux et pour planifier les saisons d’intervention de sorte à ne pas impacter les cycles de vie d’espèces protégées (nidification, reproduction, etc.). Selon les caractéristiques du milieu considéré et le niveau d’efficacité recherché, ces méthodes peuvent être combinées entre elles ou utilisées seules. Il est également indispensable de tirer les conséquences des évènements passés en formalisant des retours d’expérience.
Enfin, dans le cadre de de la révision des certifications de gestion durable des forêts (PEFC/FSC), il est nécessaire de renforcer la dimension prévention face au risque incendie afin d’en faire une composante à part entière de la gestion durable.
La prévention au cœur de la gouvernance interministérielle et des documents de gestion du territoire
Comme l’a récemment formalisé le Sénat dans son rapport d’information sus-cité[4], le renforcement de la coordination interministérielle est indispensable tout comme l’élaboration d’une stratégie nationale articulant prévention et sécurité civile et prenant en compte l’évolution du risque. L’amélioration des connaissances devra représenter un volet de cette stratégie dans l’objectif de mieux évaluer les services (économiques, sociaux, environnementaux, etc.) rendus par la forêt et les coûts liés aux destructions des incendies.
A ce jour, l’Office National des Forêts (ONF) est opérateur, pour le ministère de l’agriculture, de la défense des forêts contre l’incendie (DFCI), qui consiste à mettre en œuvre les outils de programmation, d’aménagement et d’entretien des massifs issus du code forestier, notamment les plans de protection de la forêt contre l’incendie (PPFCI) souvent établis à l’échelle du département et les plans de massifs qui sont la déclinaison par massif du PPFCI. Du fait de leur rôle crucial, il est nécessaire, comme l’indique le rapport sénatorial, de revenir sur la suppression des 500 postes prévue par le contrat Etat-ONF 2021-2025.
La prévention mobilise également les ministères de la transition écologique et de l’intérieur, ainsi que les collectivités locales via des réseaux régionaux « incendies de forêt ». Alors que le ministère de l’intérieur déploie des campagnes d’information et de sensibilisation du grand public, le ministère de la transition écologique mène une politique pour intégrer le risque dans l’aménagement du territoire et l’urbanisme, à travers le Plan de prévention des risques incendie de forêts (PPRIF). En effet, le PPRIF, élaboré sous l’égide du préfet, vise à contrôler le développement de l’urbanisation dans les zones exposées. A ce jour, les PPRIF ont été déployés de manière très hétérogène sur le territoire[5]. Nous recommandons la généralisation des PPRIF dans les 50% de forêts françaises qui seront confrontées à un risque incendie élevé à horizon 2050.
Par ailleurs, tous les documents de gestion des territoires traitant du risque incendie doivent intégrer et s’approprier davantage les techniques de préservation, de gestion durable et de restauration, à l’instar des Solutions fondées sur la nature en forêt[6], pouvant apporter une réponse pertinente, économiquement viable et à bénéfices multiples. En effet, les services rendus par les écosystèmes forestiers à nos sociétés dépendent de la richesse de la biodiversité à tous les niveaux d’organisation du vivant (gènes, espèces, écosystèmes, etc.), mais aussi du type de forêt, de la densité et de l’âge des arbres, du mode de régénération, eux-mêmes en partie conditionnés par les modes de gestion. Afin d’être efficaces et de produire des résultats significatifs, ces solutions doivent être définies et mises en œuvre à l’échelle des territoires et sur le long terme. En préalable, un diagnostic transversal des caractéristiques du site apparaît primordial afin d’adapter une Solution fondée sur la nature[7].
Prévenir les incendies c’est aussi prévenir d’autres risques naturels !
Les risques naturels influencés par les pratiques de gestion des forêts recouvrent quatre catégories principales : les risques liés à l’eau (inondation, érosion des sols et du trait de côte, sécheresse), les risques de mouvements gravitaires (éboulement, chute de pierres et de blocs, glissement superficiel et avalanche), les risques sanitaires (scolytes) et le risque incendie. Ces aléas ont des répercussions les uns sur les autres, on parle d’effets cumulés. Ainsi, les incendies de forêt favorisent la prolifération de bioagresseurs et en éliminant la végétation qui protège les sols, exacerbent le déclenchement des glissements de terrains superficiels, aggravent le risque de chutes de pierres, d’érosion, de crues torrentielles, d’avalanches en montagne, ainsi que la moindre fixation du sable dans les dunes littorales boisées. De plus, les forêts assurent une fonction de protection générale puisque les conséquences de la disparition ou de la réduction de la surface forestière amènent une moindre régulation du régime hydrique (puisque les forêts ont une capacité importante de stockage d’eau dans les sols permettant à la fois de limiter l’ampleur des inondations et de soutenir les débits d’étiage des rivières), un amoindrissement de l’épuration de l’air ainsi que du stockage du carbone[8].
2. Les impacts d’un incendie sur la biodiversité
Les incendies ont de nombreuses conséquences, parmi lesquelles des pertes de vie humaine, le réchauffement climatique, la pollution de l'air, de l’eau et des sols, la désertification et la perte de biodiversité. Si le feu est un élément naturel de la vie des forêts, ce qui ne l’est pas est l’augmentation de la fréquence des incendies en un même lieu. Or, les activités humaines induisent, volontairement ou non, une fréquence de feu accrue (90% pour la France). Dès lors, l’écosystème n’a plus le temps de se régénérer et il s’épuise (homogénéisation du milieu, perte d’éléments minéraux, érosion des sols et de la banque de graines, destruction de la faune et de la flore, etc.) Ainsi, lorsqu’ils surviennent de manière répétée, les feux peuvent avoir des effets préjudiciables sur la biodiversité forestière en favorisant notamment la prolifération de bioagresseurs qui perturbent l’équilibre écologique, fragilisent l’état de santé des forêts et impactent plus largement les principales fonctions de la forêt (écologique, économique, socio-culturelle, ainsi que préventive et protectrice vis-à-vis des autres risques naturels).
Pollutions de l’air et de l’eau
La pollution des feux entraîne des risques pour la santé des populations et la salubrité de l’environnement. Puisque les arbres absorbent du dioxyde de carbone (CO2) pendant leur croissance, lorsque les forêts brûlent, de grandes quantités de dioxyde de carbone sont relâchées, en plus d’autres particules polluantes[9], et il faut veiller à mieux les comptabiliser dans les bilans d’incendie et inventaires nationaux afin d’améliorer la remontée des données. Une recrudescence des incendies de forêt entraine dès lors un accroissement des rejets de quantités de gaz carbonique. Les pollutions varient toutefois fortement selon le type de forêt, d'incendie et l'humidité des végétaux, et les risques sur la santé sont plus ou moins élevés selon la quantité de polluants et le temps d’exposition. Selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES), les PM10 (particules en suspension dans l'air dont le diamètre est inférieur à 10 micromètres) des fumées de feux de végétation « peuvent être considérés comme au moins aussi toxiques pour la santé respiratoire à court terme que ceux de source urbaine ». Les personnes atteintes de pathologies respiratoires chroniques, comme l'asthme, y sont particulièrement sensibles. L'exposition répétée à des feux de forêt augmente le risque de cancer du poumon et de tumeurs au cerveau, selon une étude de cohorte conduite au Canada, et publiée dans The Lancet Planetary Health en mai 2022. De nouvelles mesures sont attendues concernant les particules ultrafines, particulièrement dangereuses car leur petite taille les laisse entrer dans le système sanguin et les poumons.
Erosion des sols
Les feux peuvent faire disparaître des graines d’espèces végétales présentes dans la litière, entraîner une perte de matière organique et d’éléments minéraux (en particulier l’azote) et amorcer le processus d’érosion des sols. Si la combustion a été lente (en zone humide et pluvieuse), les charbons de bois, incorporés au sol contribueront provisoirement à absorber et stabiliser certains polluants, le temps qu'ils soient dégradés par les microbes et champignons du sol, ce qui favorise la restauration du substrat. Si les pertes en matière organique sont en partie compensées par les apports liés au matériel végétal qui a brûlé, la destruction de la couverture végétale est à l’origine de l’augmentation des risques d’érosion et d’inondation due au ruissellement. Le risque d’érosion est particulièrement élevé sur les sols siliceux (minéralisation rapide de la matière organique). Il dépend étroitement du régime des précipitations post incendies.
Destruction des espèces : un bilan à géométrie variable sur la faune et la flore
Si la grande faune sauvage ou les oiseaux sont peu touchés directement par le feu grâce à leur mobilité, les feux précoces qui se déroulent pendant la période de reproduction ont des conséquences destructrices : les nids sont alors irrémédiablement perdus. Les habitats étant modifiés, une nouvelle répartition des espèces sera observée au printemps. Les reptiles, hérissons, musaraignes, tortues de Hermann etc. échappent difficilement aux flammes. Pour ces espèces, l’incendie est souvent synonyme de destruction totale. Les larves, chrysalides ou individus adultes, pas assez rapides, sont brûlés ou asphyxiés. L’impact final de l’incendie va alors dépendre des capacités de recolonisation des espèces concernées, dépendant elle-même de la surface incendiée. Plus les zones intactes sont éloignées, plus la recolonisation se fera lentement. Concernant la flore, la perte d’espèces rares peut être déplorée. Toutefois, certaines espèces végétales se sont adaptées aux feux de forêts. Les feux naturels sont un facteur d’évolution important sur la biologie de reproduction et de dispersion des plantes dans le bassin méditerranéen. Certaines espèces sont résistantes au feu, voire même stimulées par un incendie, mais l’augmentation de leur fréquence risque de mettre en péril ces capacités d’adaptation. Parmi celles-ci, on distingue deux grands types :
- Les espèces qui repoussent rapidement après un incendie grâce à un système profondément ancré. Celui-ci constitue d’ailleurs parfois plus de la moitié de la biomasse de la plante. Citons par exemple le chêne kermès, le lentisque, plusieurs espèces de bruyères et d’arbustes à baies ;
- Les essaimeurs : citons certaines espèces de Cistes, dont les graines nécessitent un choc thermique pour germer.
Tous ces impacts sur la biodiversité démontrent une nouvelle fois les interdépendances entre la santé des hommes, des animaux, des végétaux et le fonctionnement des écosystèmes, ce qui nécessite de déployer toujours plus la recherche interdisciplinaire et l’action interministérielle.
3. Des recommandations pour la reconstitution post incendie
Si une forêt met des années à se régénérer à la suite d'un incendie, des solutions existent pour reconstituer durablement la forêt et réduire les futurs risques naturels.
Réaliser un diagnostic post incendie
Après un incendie, on assiste à une succession de recolonisation, que le forestier peut utiliser pour orienter son action. Si un état des lieux est indispensable pour estimer les chances d’une reprise naturelle de la végétation (rejet de souche des feuillus, production de semences pour les résineux) et pour envisager ensuite une diversification de l’occupation du sol, nous recommandons d’observer la réaction de la zone incendiée durant une ou deux années avant de se lancer dans des travaux de reconstitution. Une action précipitée pourrait entraîner des choix de gestion inadaptés pour répondre au déséquilibre. Des indicateurs d’impacts doivent être développés et pourraient s’inscrire dans la nouvelle stratégie nationale pour la biodiversité 2030.
Face aux conséquences sur la faune sauvage, nous appelons à un moratoire sur la chasse
La biodiversité présente sur le site avant incendie et sur les sites adjacents est un élément important de cette résilience. Pour peu qu’ils aient un taux de survie après incendie satisfaisant ou qu’il y ait des zones limitrophes non incendiées constituant des zones de départ pour une reconquête, les pollinisateurs, les détritivores comme les coléoptères et les disséminateurs de graines comme les oiseaux contribuent à la régénération des forêts qui ont brûlé. Le réapprovisionnent du sol en nutriments utiles à l'activité microbienne et fongique est d’ailleurs primordial.
Comme la faune survivante au feu ne pourra se concentrer que sur les secteurs épargnés, ces territoires présenteront alors l'apparente densité d'un stock en bon état de conservation. Cette apparence se révèle toutefois trompeuse et ne résiste pas aux prélèvements (chasse), menant ainsi à la raréfaction voire l'extinction de l'espèce. De fait, en attendant la reconstitution des espèces endommagées, nous recommandons d'instaurer un moratoire sur la chasse.
Traiter les causes du dépérissement : reboiser dans une logique de gestion durable et d’adaptation locale…
La régénération naturelle permet d'accroître la diversité génétique soumise à la sélection naturelle et les capacités d'adaptation locale, contrairement aux plantations. Toutefois, certaines zones incendiées sont incapables de se reconstituer naturellement ou étaient peuplées, avant l’incendie, d’essences vulnérables aux changements climatiques.
Nous recommandons alors de reboiser ces zones avec des essences indigènes adaptées aux conditions locales et moins combustibles en termes de structure et de composition. Il convient également de diversifier les espèces, car les forêts constituées d’une plus grande diversité sont plus résilientes aux changements climatiques, même si cela ne les protège pas des incendies car le facteur principal de propagation des feux est l’état de stress hydrique des arbres. De fait, lorsque la végétation a une teneur en eau relativement faible et que cela se conjugue avec de fortes chaleurs, tout est inflammable. Nous recommandons d’instaurer un seuil d’au moins 20% de feuillus autochtones pour toute plantation et d’interdire la conversion de peuplements feuillus en plantations résineuses.
Aussi, certaines combinaisons d’essences sont susceptibles d’accroître la sensibilité au feu des peuplements, tandis qu’une forte diversité de strates peut favoriser le risque de propagation du feu en surface vers les houppiers. Il convient dès lors d’établir un diagnostic préalable afin d’identifier les bonnes combinaisons d’essences. Il peut être nécessaire de créer des ruptures verticales de combustible par évacuation de certaines espèces du sous-étage[10].
Enfin, il est primordial de prendre en compte l'évolution modélisée du climat sur des pas de temps cohérents avec le cycle sylvicultural.
…Sans omettre les capacités d’adaptation insoupçonnées des arbres
Par ailleurs, comme le rappellent Guillaume Decocq et Serge Muller dans une tribune sus-citée, plusieurs travaux scientifiques récents mettent en lumière des capacités d’adaptation insoupçonnées des arbres. Selon les auteurs, il est nécessaire de dépasser toute vision fixiste du monde vivant négligeant les capacités d’adaptation de certaines essences indigènes et oubliant que les essences forestières européennes ont déjà connu bien des changements climatiques (notamment un petit âge glaciaire et un optimum médiéval). Au moins trois ensembles de mécanismes permettent l'adaptation spontanée des arbres en environnement changeant : les mécanismes génétiques, via la sélection naturelle qui agit sur le long terme, ce qui nécessite une certaine diversité génétique ; les mécanismes épigénétiques, qui prédisposent des individus à des conditions environnementales que leurs parents ont vécues ; enfin les mécanismes holobiotiques, via les symbioses issues de la coévolution entre l'arbre et son microbiote, ce dernier contribuant à de nombreuses fonctions vitales.
Adapter la forêt ou laisser la forêt s’auto adapter permet d’agir sur la santé de l’écosystème et de proposer un traitement de fond des causes du dépérissement.
Le recours raisonné à la migration « assistée »
L’accélération des changements climatiques constitue une menace pour de nombreuses essences qui ne parviennent à s’adapter au rythme de modification de leur environnement, ce auquel s’ajoute la difficulté de migration des espèces exacerbée par la fragmentation des paysages, les ruptures de continuités écologiques et la régression des « disperseurs » de pollen et de graines. La « migration assistée » d’essences forestières permet d’accompagner temporairement le processus de migration des essences indigènes vers un site extérieur à leur aire de répartition originelle, ou les conditions leur sont favorables et vers lequel elles migreraient d’elles-mêmes. Cette pratique est différente de « l’introduction d’essences exotiques », qui n’ont pas co-évolué avec les nouveaux écosystèmes forestiers[11].
Développer les expérimentations sous certaines conditions
L’expérimentation en écologie appliquée est également une piste intéressante pour constituer des retours d’expérience, sous réserve qu’elle respecte les trois conditions suivantes :
1. il y a une maîtrise du dispositif, autrement dit, on peut arrêter l'expérience si cela s’avère nécessaire ;
2. le dispositif est statistiquement bien construit et permet d'obtenir des résultats (positifs ou négatifs) significatifs : existence de témoins comparables et non traités, répétitions, etc. ;
3. surtout, on ne fait pas de généralisation excessive des observations.
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[1] Rapport du ministère de la Transition écologique intitulé « Feux de forêt : les prévenir et s’en protéger » (2020)
[2] Guillaume Decocq et Serge Muller, The Conversation France, Tribune « Comment sauver la forêt française », Juillet 2022
[3] Le code forestier institue des obligations légales de débroussaillement dans 32 départements du Sud de la France (article L 133-1) : obligation de débroussailler sur 50 mètres tous les abords de constructions lorsqu’elles se trouvent dans, ou à moins de 200 mètres d’une forêt ou d’un espace naturel, les voies d’accès doivent être libérées, suppression des arbres et branches situés à moins de 3 mètres des maisons, élimination des arbres et plantes mortes ou malades, obligation d’élaguer les arbres et de laisser 3 mètres en deux houppiers, suppression des arbustes sous les arbres et évacuation des végétaux coupés, en les portant en déchetterie ou en les broyant.
[4] Ibid, 1.
[5] D’après les données de 2020, ont été approuvé 46 % en région PACA, 22 % en région Occitanie, 18 % en région Nouvelle Aquitaine, 9 % en région Corse et 5 % ailleurs sur le territoire.
[6] Concept émanant de l’Union internationale de conservation de la nature (UICN), les Solutions fondées sur la Nature sont définies comme les actions visant à protéger, gérer de manière durable et restaurer des écosystèmes naturels ou modifiés pour relever directement les défis de société de manière efficace et adaptative, tout en assurant le bien-être humain et en produisant des bénéfices pour la biodiversité.
[7] Rapport du Comité français de l’UICN « Les solutions fondées sur la nature en forêt pour réduire les risques gravitaires et incendie en France », 2022. Parution à venir
[8] Rapport du Ministère de la transition écologique et solidaire « Feux de forêt : les prévenir et s’en protéger », Juin 2020. Une combustion complète émet principalement du dioxyde de carbone et de la vapeur d’eau, ainsi que dans de plus faibles quantités des oxydes d'azote, du dioxyde de soufre, des cendres, des métaux lourds, etc.
[9] Une combustion complète émet principalement du dioxyde de carbone et de la vapeur d’eau, ainsi que dans de plus faibles quantités des oxydes d'azote, du dioxyde de soufre, des cendres, des métaux lourds, etc.
[10] Rapport du Comité français de l’UICN « Les solutions fondées sur la nature en forêt pour réduire les risques gravitaires et incendie en France » (2022). Parution à venir
[11] Chevassus-Au-Louis, B. et al., 2020. Forêts françaises en crise : nature, climat, société. Analyse et propositions des ONG de conservation de la nature. Revue forestière française. AgroParisTech, Paris, France, 56 p
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