Position d'H&B - Adaptation des littoraux
Mars 2023
Les 5 revendications phares d'Humanité et Biodiversité :
- Favoriser la co-construction de stratégies d’adaptation avec les parties prenantes et le public pour s’assurer de l’acceptation du projet
- Intégrer les solutions fondées sur la nature dans la stratégie, pour allier adaptation et préservation des milieux naturels
- S’engager à renaturer tout espace artificialisé avant qu’il ne soit submergé et envisager la relocalisation dans une logique de « zéro artificialisation nette »
- Prévoir un fonds de financement de ces projets, accessible à toutes les communes concernées
- Mettre en place un processus d’évaluation de l’efficacité de chaque stratégie locale
Quelle(s) adaptation(s) des territoires littoraux métropolitains au recul du trait de côte ?
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) prévoit, dans son dernier rapport sur les océans et la cryosphère, une élévation du niveau marin mondial en 2100 de 48 cm pour le scénario le plus optimiste, à 84 cm pour le scénario le plus pessimiste. En raison des incertitudes sur le comportement de la calotte polaire antarctique, il n’est pas exclu que la hausse du niveau des mers s'étende au-delà de 1 m en 2100. A cette élévation du niveau de la mer, d’autres phénomènes (mobilité dunaire, érosion côtière, etc.) se cumulent sur le temps long et contribuent au recul du trait de côte. Les submersions marines sont alors plus intenses et fréquentes.
Tous les départements français littoraux sont concernés par le recul du trait de côte et 20 % des côtes françaises sont actuellement en recul. Entre 1960 et 2010, on estime que la surface totale perdue dans ces secteurs en recul est de 30 kilomètres carrés. A l’avenir, ce recul devrait se poursuivre et de nombreux autres secteurs seront menacés.
Les territoires littoraux sont particulièrement vulnérables à ces aléas climatiques du fait de leur forte urbanisation, de leur concentration démographique et de la présence d’enjeux économiques associés. Le diagnostic de la vulnérabilité des biens réalisé en 2019 par le CEREMA estime que d’ici 2100, entre 5 000 et 50 000 logements seraient menacés par le recul du trait de côte, pour une valeur immobilière comprise entre 0.8 et 8 milliards d’euros. Concernant la submersion marine, 864 communes sont particulièrement concernées par ce type d’inondation.
L’aménagement du littoral est pourtant soumis depuis 1986 à l’application de la Loi littoral qui impose des règles spécifiques pour éviter une urbanisation non-contrôlée de ces espaces. Par exemple, il n’est permis de construire qu’en continuité avec l’urbanisation existante et il est interdit de construire à moins de 100 m de la limite haute du rivage. En 2021, le cadre légal et réglementaire a été précisé dans l’objectif de réduire l’exposition au risque de ces territoires. La loi Climat et résilience a créé des dispositions afin d’encadrer l’aménagement des communes littorales subissant un recul du trait de côte. Il s’agit par exemple d’imposer l’information de l’acquéreur d’un bien sur les risques relatifs au recul du trait de côte, d’interdire les constructions nouvelles dans les zones menacées par l’érosion côtière d’ici 30 ans ou d’instituer un droit de préemption sur les biens menacés par l’érosion dans certaines communes littorales. 126 communes sur les 864 concernées par ces risques littoraux sont listées dans un décret* et devront réaliser une cartographie d'évolution du trait de côte à court (0-30 ans) et long (30-100 ans) termes et mettre en œuvre les mesures prévues par la loi. La loi Climat et résilience consacre également l’existence de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte et en définit les conditions d’élaboration.
Différentes solutions existent pour adapter son territoire au changement climatique comme le témoignent les différents territoires pilotes des projets Adapto, PACCo ou encore Seat’ies : de l’installation d’infrastructures en dur (digues, etc.) au nouvel urbanisme littoral (développement de logements flottants, etc.) aux Solutions fondées sur la Nature (SFN) ou encore à la relocalisation des bâtiments, des infrastructures et le replis des activités.
La ou les solutions dépendent de la typologie du territoire (population, fréquence et intensité des impacts du changement climatique, activités en présence, acceptabilité, etc.), des moyens financiers disponibles et de l’échelle de temps du projet d’adaptation. Une stratégie globale et dynamique permettra d’inscrire dans le temps long la planification de l’adaptation, pas seulement sur la collectivité littorale mais en prenant également en compte les territoires environnants. La mise en place d’une telle stratégie préviendra les effets pervers d’une “mal adaptation” (mise en place d’activités incohérentes avec le repli à plus long terme).
Nos recommandations
Acceptabilité / co-construction
- Veiller à l’acceptation des projets en adoptant des processus de co-construction des stratégies d’adaptation et ce, afin de débuter le projet sur la base d’un diagnostic initial partagé. Il s’agit par exemple de mettre en place un Comité de pilotage constitué de toutes les parties prenantes (partenaires techniques, financiers, représentants d’usagers, etc.) mais aussi d’organiser des ateliers de concertation et de communiquer tout au long de la vie du projet ;
- L’animation du projet est notamment cruciale pour chercher des solutions de repli pour les propriétaires à risque (notamment parcelles agricoles).
Des projets d’adaptation pensés sur le temps long
- Évaluer la faisabilité et la réplicabilité des Solutions fondées sur la Nature et les inscrire dans les stratégies de long terme d’adaptation des territoires. Ces solutions présentent une double vertu en répondant d’une part aux enjeux de société et d’autre part aux objectifs d’atténuation et adaptation au changement climatique et de préservation de la biodiversité sur le littoral ;
- Dans certains cas, une combinaison de solutions associant infrastructures de génie civil, relocalisation et Solutions fondées sur la Nature, permettra de contribuer à la préservation de la biodiversité et des milieux naturels et de répondre au mieux aux enjeux économiques et techniques du territoire tout en assurant la sûreté des personnes et en facilitant l’acceptation sociale des projets.
- Toutes les surfaces artificialisées soumises au recul du trait de côte et devenant « inutiles » doivent faire l’objet d’une renaturation (désimperméabilisation, dépollution si nécessaire, re fonctionnalisation du milieu) avant d’être submergées. Les surfaces imperméabilisées ne doivent pas être simplement abandonnées à la mer.
- Les projets de relocalisation doivent s’intégrer à une approche de zéro artificialisation nette : il ne s’agit pas de relocaliser tous les aménagements mais plutôt de questionner les besoins du territoire (logement, infrastructures, commerce...), d’identifier les localisations les moins impactantes pour ces nouveaux aménagements (favoriser les espaces déjà artificialisés) et de comptabiliser toute nouvelle artificialisation.
Financements
- A ce jour, il n’existe pas de mécanisme financier pérenne et fixe pour mettre en œuvre des projets d’adaptation. Les mécanismes de financements actuels se résument à des appels à projet nationaux et européens (Interreg, Life adapto, etc.). La lourdeur administrative des appels à projet ne permet pas à toutes les collectivités qui le souhaiteraient de se saisir du sujet (manque de personnel, d’ingénierie, etc.), on parle de « non recours ». De la même manière, les petites communes rurales n’attirent pas les financeurs privés ;
- Face à ce constat, nous recommandons de créer un fonds d’investissement “adaptation des littoraux au recul du trait de côte” pour financer à la fois les travaux et opérations d’aménagement, l’animation du projet sur plusieurs années et les études et suivis en amont et en aval des travaux. Les critères d’accès à ce fond doivent permettre d’inclure les petites communes, souvent rurales et de résorber l’inégal accès aux financements. Le « fonds vert » pourrait répondre à cet objectif (à condition d’avoir des crédits dédiés à cette problématique et des critères exigeants).
Évaluation
- L’évaluation du succès du projet dépend en premier lieu des objectifs fixés. Elle doit être réalisée sur le long terme en co-construction avec la population pour éviter la mal adaptation qui nuirait à l’aboutissement du projet ;
- L’utilisation d’indicateurs multicritères permet de fournir une lecture globale de l’efficacité du projet : succès des méthodes mises en place pour réduire les risques et préserver les activités économiques, mesure du recul du trait de côte, suivi de la qualité de l’eau et de la biodiversité, bénéfices socio-économiques, etc. ;
- Veiller à transmettre systématiquement les données acquises dans le cadre des projets aux réseaux nationaux afin de les rendre accessibles à tous ;
- Veiller à capitaliser les retours d’expérience des projets d’adaptation afin de pouvoir enrichir une guide des bonnes pratiques et une méthodologie.
Réglementation
- Éclaircir et harmoniser les dispositions législatives et réglementaires du droit de l’environnement, du droit de l’aménagement, du droit du risque des personnes, qui s’appliquent à ces situations pour éviter des contradictions ou des flous juridiques dans la mise en œuvre de sa stratégie d’adaptation. Un cadre spécifique au développement des stratégies d’adaptation du littoral pourrait être élaboré si nécessaire ;
- Porter une politique d’adaptation des littoraux et des mesures à la hauteur des enjeux dans le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) révisé en 2023.
Concernant les territoires d’Outre-mer
La présente note s'attache au recul du trait de côte dans la France hexagonale. Mais Humanité et Biodiversité est également consciente que cette problématique revêt une urgence et des problèmes sociaux importants dans les Outremers, où la France a une certaine responsabilité. Compte-tenu des spécificités de chaque département, collectivité, pays ou territoire ultra marins, il est délicat d’en tirer des conclusions générales synthétiques forcément réductrices. Nous recommandons néanmoins de considérer 3 axes d'action déclinables à adapter :
- qu'il est nécessaire que la solidarité nationale joue en faveur des ultra marins, la solution et les moyens pouvant être difficiles voire impossibles à trouver au niveau de chaque territoire,
- encore plus qu'ailleurs de mettre en place là où ce sera possible des solutions fondées sur la nature (reconstitution des récifs coralliens, des mangroves, des forêts d'arrière mangrove, fixation des sables littoraux ...)
- des solutions de relogement des personnes touchées les plus sociales possibles et les plus accessibles économiquement.
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*Décret n° 2022-750 du 29 avril 2022 établissant la liste des communes dont l'action en matière d'urbanisme et la politique d'aménagement doivent être adaptées aux phénomènes hydro sédimentaires entraînant l'érosion du littoral
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