Hommage à Hubert Reeves
Publié le 16/10/2023
Bernard Chevassus-au-Louis, Président d'Humanité et Biodiversité, adresse ses hommages à Hubert Reeves, astrophysicien, vulgarisateur scientifique et Président d'honneur de notre association, qui nous a quitté le 13 octobre 2023 à l'âge de 91 ans.
Hubert Reeves nous a quittés. De 2002 à 2015, il a présidé notre association, pour en devenir ensuite Président d’honneur. C’est sous sa présidence qu’a été adopté le beau titre actuel de notre association « Humanité et Biodiversité ».
Certains s’étonnent parfois que le mot « Humanité » figure ainsi en tête d’une association environnementale. S’agit-il d’un humanisme mettant notre espèce au-dessus de toutes les autres ? Permettez-moi donc, pour lui rendre hommage, de dire ce qu’était l’humanisme d’Hubert. Je l’ai découvert peu à peu, en le lisant et au cours des conversations que j’ai eu le bonheur et le privilège d’avoir avec lui. Je ne saurai jamais s’il se serait reconnu dans ces lignes, mais je suis sûr qu’il en aurait souri.
Son humanisme, ce n’était nullement un humanisme « prométhéen », célébrant le génie de l’Homme et défiant les Dieux. Au contraire, Hubert était conscient comme nul autre de l’immensité de l’univers, tant dans le temps que dans l’espace, puisqu’il avait été l’un des pionniers de la découverte de cette immensité. Il aimait d’ailleurs présenter au début de ses conférences une image de ce qu’était l’univers environ 400 000 ans après le big bang et la commentait avec passion, comme s’il en avait été témoin, ajoutant même – pour souligner à ses auditeurs qu’ils auraient pu ne jamais exister – que « cela aurait pu ne pas se passer ainsi ».
Hubert savait d’ailleurs les limites de cette science qu’il aimait tant et savait faire aimer. Pour évoquer son regard sur le cosmos, il prenait l’image de son chat. « Quand il me regarde, je vois bien qu’il comprend certaines choses de moi, mon humeur, mes inquiétudes… mais il est loin de tout comprendre… ». Ce qu’il aimait le plus dans la science, c’était sans doute davantage les questions qu’elle permettait de poser que les réponses qu’elle apportait à un moment donné. Il connaissait peut-être la belle formule du philosophe français Maurice Blanchot « La réponse est le malheur de la question ».
Conscient de ce caractère contingent de notre espèce, il considérait donc avec indulgence – plutôt d’ailleurs avec empathie et sans doute avec un peu d’humour – les humains, éphémères poussières d’étoiles sur une petite planète et qui avaient cru un temps, et croient peut-être encore aujourd’hui, être au centre du monde. Mais cette empathie pour les humains, que chacun ressentait, elle lui permettait, avec une douce insistance, de nous rendre réceptif à son message : nous devons prendre conscience que nous formons, avec tous les vivants, une communauté à la fois d’histoire et de destin.
Communauté d’histoire, car tous les êtres vivants d’aujourd’hui, fruits de ce qu’il appelait la « Belle Histoire », partagent, à des degrés divers, des ancêtres communs. Les uns naissent homme ou femme, d’autres moustique, séquoia ou grenouille, nulle vanité ne peut en être tirée.
Communauté de destin car, comme il le disait souvent, « nous avons engagé une guerre contre la nature, si nous la gagnons, nous sommes perdus ». C’était en effet un homme de paix, paix entre les hommes et les femmes, paix entre les peuples, paix enfin entre les humains et les autres formes de vivants. Dans cette période de violence extrême, restons fidèles à ce message.
C’était aussi un humaniste inquiet, devant le développement des capacités technologiques de l’Homme, dès lors qu’elles ne s’accompagnaient pas de ce que le philosophe Edgar Morin appelle la « maitrise de la maitrise », c’est-à-dire la capacité de contrôler les conséquences de ses inventions. Hubert avait connu de près des épisodes de la guerre froide au cours desquels la destruction de l’humanité avait été en jeu. C’était ce qu’il appelait « la moins belle histoire ». Il considérait donc avec lucidité ce qu’étaient les limites de l’intelligence humaine. Il comparait d’ailleurs parfois le grand développement du cerveau humain, souvent pris comme prétexte à l’affirmation de la supériorité de notre espèce, comme l’équivalent de l’hypertrophie de certains organes chez des espèces qui se sont éteintes peu après, comme les bois gigantesques des cerfs préhistoriques Megaloceros ou le cou démesuré des Diplodocus. Sa parabole de la maladie de « l’humanite », dans laquelle une planète malade en croise une autre qui lui dit « tu as une humanite, rassure-toi, je l’ai eue, cela va passer », illustre bien cette inquiétude.
Mais Hubert refusait de se laisser aller au pessimisme, tout comme il refusait la critique de certains d’être trop optimiste. Il n’aimait pas ce dilemme simpliste et répondait généralement « je ne suis ni optimiste, ni pessimiste, je suis déterminé ».
Alors, le meilleur hommage que nous pouvons lui rendre, c’est de continuer, comme lui, à être déterminé pour porter ce message « Humanité et Biodiversité, nos destins sont liés ».
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