La loi climat et résilience peut aller plus loin pour la biodiversité !
Le 4 mai dernier, l’Assemblée nationale a voté en première lecture le projet de loi climat et résilience. Issu des travaux de la Convention Citoyenne pour le Climat, ce texte nourrissait l’espoir d’être un marqueur pour la transition écologique et solidaire de la France, d’être la réponse à la lutte contre le dérèglement climatique et la perte de la biodiversité. Et comme l’ensemble des instances consultées sur le projet de loi du gouvernement avant son dépôt à l’assemblée (Haut Conseil pour le Climat, le Conseil d’Etat, le Conseil National pour la Transition Ecologique, le Conseil Economique Sociale et Environnemental…) qui soulignait unanimement ses insuffisances et son impact trop limité pour répondre aux enjeux et à l’urgence rappelés par les scientifiques, nous espérions que nos parlementaires auraient saisi l’occasion de rendre le texte plus ambitieux et plus efficace. C’est en ce sens qu’Humanité et Biodiversité a proposé plusieurs amendements en faveur de la biodiversité.
Malheureusement, et malgré certaines avancées non négligeables, les dispositions contenues dans la loi ne suffiront pas à enrayer le déclin croissant de notre biodiversité, pas plus qu’elles ne permettront à la France de respecter ses engagements en matière de lutte contre le dérèglement climatique.
La lutte contre l’artificialisation des sols mérite une définition juste et claire
Le second volet du titre V de la loi intitulé « se loger » est consacré à l’artificialisation des sols, une des premières causes de perte de la biodiversité en France. Humanité et Biodiversité s’est particulièrement investie sur ce sujet.
Une définition claire est un préalable à la lutte contre l'artificialisation des sols et à l'atteinte de l'objectif de zéro artificialisation nette, ainsi que celui de zéro perte nette de biodiversité.
La proposition initiale du Gouvernement n'incluait pas les différentes composantes de l'artificialisation et réduisait la portée de la définition en incluant la notion « d’atteinte durable » difficilement évaluable scientifiquement et juridiquement, en proposant la définition suivante : « Est considéré comme artificialisé un sol dont l’occupation ou l’usage affecte durablement tout ou partie de ses fonctions ».
Nous avons donc proposé, d’une part, de supprimer le terme « durablement » de la définition , et d’autre part de préciser les fonctions des sols visées par les potentielles atteintes.
Les députés nous ont suivi sur le second point et ont retenu une définition intéressante malheureusement encore affaiblie par le maintien de la référence à la durabilité de l’atteinte et par un amendement excluant les « surfaces de pleine terre » : « un sol est regardé comme artificialisé si l’occupation ou l’usage qui en est fait affectent durablement tout ou partie de ses fonctions écologiques, en particulier ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques ainsi que son potentiel agronomique. Les surfaces de pleine terre ne sont pas considérées comme artificialisées. »
Humanité et Biodiversité espère que les Sénateurs adopteront une définition supprimant la référence à la durabilité et l’exclusion des surfaces de pleine terre.
Un objectif de réduction de l’artificialisation de 50% d’ici 2030
Point positif : la loi prévoit la réduction de moitié du rythme de l’artificialisation d’ici dix ans. Comment ? Par une traduction de cette ambition dans les schémas d’urbanisme régionaux : les SRADDET. Les documents d’urbanismes locaux (à l’échelle des communes et des inter-communalités) devront prendre en compte cet objectif mais, pour ne pas contrevenir au principe constitutionnel de libre administration des collectivités, ils n’ont pas l’obligation de transcrire en conformité cet objectif. Comment un processus négocié entre région et collectivités locales permettra-t-il d’atteindre cet objectif global ? En effet, à juste titre, la loi n’a pas prévu de décliner le même objectif de réduction de 50 % jusqu’au niveau des plans locaux d'urbanisme (PLU), car cela aurait créé une incohérence : les collectivités ayant particulièrement artificialisé ces dernières années auraient eu un droit d’artificialisation bien plus important que les communes qui ont été économes en espaces et qui se seraient retrouvées pénalisées.
Il apparait donc nécessaire de mettre en place un mécanisme négocié et de suivi entre la Région et ses collectivités pour décliner à l’échelle de chaque territoire un objectif permettant d’atteindre l’objectif global. Un mécanisme qu’Humanité et Biodiversité avait proposé mais qui a été rejeté !
Et les surfaces commerciales artificialisantes dans tout ça ?
L’Assemblée nationale a adopté un « principe général » d’interdiction de création de très grandes surfaces commerciales afin de lutter contre « l’artificialisation » des sols. S’agissant des projets supérieurs à 10 000 m2, ils ne seront plus possibles que sur des parcelles déjà artificialisées.
Malheureusement, ce principe général d'interdiction ne concerne que les surfaces commerciales supérieures à 10 000 m2. Les surfaces inférieures aux 10 000 m2, soit environ 80 % des projets, bénéficient d’un système dérogatoire et peuvent échapper à cette interdiction s'ils remplissent certaines conditions fixées par la loi (insertion dans le tissu urbain existant, répondant à un type d’ « urbanisation adéquat » ou aux « besoins du territoire »).
Pour Humanité et Biodiversité, le seuil en deçà de 10 000 m2 pour lesquels les projets de surfaces de vente peuvent bénéficier d’une dérogation doit être ramené à 3 000 m2. Nous avons également proposé, au regard des préconisations du CESE d’inscrire les dérogations de création de nouvelles zones commerciales dans le respect strict de la séquence « Eviter réduire compenser » (ERC). Nos amendements n’ont pas été retenus.
De même, si H&B a porté l’intégration des entrepôts de e-commerce dans le champ d’application des restrictions, en conformité avec l’avis du CESE, ceux-ci ont été exclus du champs d’application du principe d’interdiction hors zones déjà artificialisées, au motif juridique que ces entrepôts ne sont pas soumis à la réglementation applicable à l’aménagement commer-cial (code de commerce), mais à celles des Installations Classées Pour la Protection de l’Environnement (code de l’environnement) et au motif politique soutenu par le gouvernement qu’ils ne seraient responsables, au maximum, que de 1% de l’artificialisation des sols de notre territoire. Le projet de loi adopté se limite à imposer aux documents d’urbanisme de prévoir une planification de l’aménagement et de la localisation des entrepôts et plateformes logis-tiques, sans interdire leur implantation.
La loi climat reste ce qu’elle est : une loi se focalisant sur le changement climatique avec une approche modeste et insuffisante. Il reste inquiétant de constater encore, en 2021, la difficile intégration des enjeux biodiversité dans la lutte contre le changement climatique.
Espérons que les sénateurs sauront relever les ambitions du texte qui leur sera soumis à la fin du mois de mai.
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