La biodiversité, parent pauvre du projet de loi de finances 2022
La ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a affirmé lors de la présentation du projet de loi de finances (PLF) 2022 que la France n’avait jamais autant investi pour la transition écologique. Ce PLF voté le 10 décembre après un examen raccourci au Sénat a été présenté comme le PLF "vert" de ce quinquennat. Mais qu’en est-il vraiment ? Et surtout, le Gouvernement a-t-il enfin intégré la protection de la biodiversité au cœur des enjeux de fiscalité verte cette fois-ci ?
Une consultation minime des acteurs concernés
Plusieurs particularités politiques ont affecté ce PLF. On pense tout d'abord au refus du Sénat de voter les recettes, mettant fin aux débats dans cette chambre et entrainant un débat parlementaire pauvre comparé aux années précédentes, mais aussi au rejet ou irrecevabilité très importante des amendements liés à la protection de l’environnement. En effet, Humanité et Biodiversité et ses collègues de la protection de la nature ont été surpris de voir des amendements co-rédigés avec certains groupes de députés, qui sont déposés chaque année et jugés recevables, être jugés irrecevables cette année ! De plus, seule une poignée d’amendements non-gouvernementaux ont été discutés ou adoptés. Certains amendements, pourtant portés par la majorité et votés en commission développement durable, ont même été rejetés à l’Assemblée nationale sans raison. C’est le cas de l'une de nos propositions qui visaient à abaisser la fiscalité sur les espaces naturels non constructibles afin d’éviter l'obligation, pour les propriétaires, de les rentabiliser d’une manière ou d’une autre en détruisant des habitats pour compenser la perte financière.
Par ailleurs, le gouvernement a proposé un plan d'investissement de 34 milliards d'euros pour la transition écologique, qui a été adopté par la majorité à l'Assemblée... Sans fléchages et sans consultations des acteurs. Ainsi, il est tout à fait possible que cet argent soit investi de manière inégale entre les différents secteurs, et, comme souvent, le parent pauvre risque d’être la biodiversité.
Des déceptions sur l’agriculture
Une bonne surprise au premier abord : le crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique a été revalorisé et prolongé. Mais en réalité, ce crédit d’impôt vient compenser les pertes des aides de la PAC. En effet, l’aide au maintien à l’agriculture biologique de la PAC a été supprimée. Il s’agit donc simplement de compenser des pertes, sur une durée assez courte, puisque cette aide n’est prolongée que pour deux ans. Une décision qui était tout à fait logique. Mais malgré un soutien trans-partisan de la majorité et de la gauche, les amendements ont été rejetés.
Une légère hausse du budget dit « vert », c’est-à-dire du budget alloué à la protection de l’environnement, est à noter cette année : 32,5 milliards en 2022, 31,4 milliards en 2021 et 29,8 milliards en 2019, soit 1,6% des dépenses totales de l’État. Ce chiffre s’explique par deux phénomènes : l’effet du plan de relance qui représente 5,7 milliards de dépenses « vertes », ainsi que l’effet de la loi climat et résilience.
Mais à côté de cette augmentation de budget, on retrouve également une augmentation des dépenses ayant un impact défavorables pour l’environnement (10,8 milliards en 2022 contre 10,6 milliards en 2021).
Avec une contradiction marquée, en particulier sur la biodiversité : la lutte contre l’artificialisation des sols est financée à hauteur de 0,5 milliards d’euros. Or, les dépenses néfastes à la biodiversité, car artificialisantes, ont été comptabilisées a… 1 milliard d’euros, soit le double !
De même, beaucoup de dépenses dites mixtes (avec un impact positif sur un aspect de la transition environnementale, mais pas sur un autre aspect) vont concerner la biodiversité : développement du ferroviaire, des énergies renouvelables… qui pourraient être pensées en accord avec la biodiversité plutôt qu'en dépenses mixtes.
Ce PLF a certes engagé des crédits mais il l’a fait sans consultation des associations qui travaillent depuis des années sur le sujet, pour compenser des pertes de financements annexes, et tout en gardant un manque de logique flagrant avec les dépenses néfastes.
Pour Humanité et Biodiversité, après la tenue du Congrès de l’UICN à Marseille en septembre 2021, il est incompréhensible de voir aussi peu de considération pour la biodiversité, qui ne cesse de se dégrader.
La lutte contre le réchauffement climatique piétine, et celle contre la perte de biodiversité est malheureusement sur la même voie. On ne doit pas continuer ainsi. Dans le cadre des élections à venir, notre association fera des propositions pour faire de notre pays, au sein de l’Europe, un acteur fort de la protection de la nature, de la santé et de l’environnement.
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