PAC : les derniers arbitrages du Plan stratégique national
Publié le 11/07/2022
Le nouveau ministre de l’agriculture Marc Fesneau a dévoilé la dernière version du Plan stratégique national (PSN) de la PAC. Sa mise en œuvre est prévue pour janvier 2023 jusqu’à 2027, avec une révision à mi-parcours[1].
Les principaux arbitrages en lien avec la biodiversité
Un petit mieux sur la bio
Les exploitations qui sont déjà à au moins 50 % en bio et le reste en cours de conversion bénéficieront d'un différentiel de 30 euros par hectare par rapport au niveau supérieur de l'éco-régime[2], ce qui leur permettra de totaliser une aide finale à l'hectare de 110 €. Les fermes entièrement en cours de conversion biologique ne seront pas éligibles à cette case de l'éco-régime.
Pour les bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) : pas ou peu d’évolution…
Pour ce qui concerne la couverture des sols en période sensible (BCAE6), les pratiques restent identiques : un couvert automnal devra être mis en place sur les terres arables dans les zones vulnérables, au sens de la directive nitrate, et un autre devra être mis pendant 6 semaines, entre le 1er septembre et le 30 novembre, dans les autres zones.
En matière de diversification et de rotation des cultures (BCAE7), point de négociation le plus difficile avec la Commission et sujet sensible pour les agriculteurs conventionnels, le ministre a tranché pour une triple possibilité, le cas général étant celui d’une rotation sur deux ans sur 60% des surfaces de cultures de plein champ[3].
…excepté pour les haies grâce à votre mobilisation contre la diminution par cinq de la place des haies
Les haies (BCAE8), responsables de nombreux services environnementaux, allié indispensable pour une agriculture plus productive et plus écologique, se sont vues établir un coefficient de pondération à 20 mètres carrés pour un mètre linéaire contre 10 aujourd'hui dans la PAC. Par respect pour l'exigence réglementaire de prendre en compte la nidification de certains oiseaux, la période d'interdiction de la taille des arbres et des haies a été allongée.
Focus sur la Haute Valeur environnementale (HVE) : le vote d’une certification toujours trop faible sur le plan environnemental
La HVE, dont le cahier des charges était en cours de révision, a été soumise au vote de la Commission nationale de la certification environnementale (CNCE) le 30 juin dernier afin que l’entrée en vigueur du nouveau référentiel concorde avec le calendrier d’application du nouveau Plan stratégique national de la PAC. On peut toutefois trouver déroutant que cette nouvelle mouture ait été adoptée à 14 voix contre 13 avec les seuls suffrages de l’Etat, de Régions de France et des représentants de l’agroalimentaires puisque les représentants du monde agricole comme les ONG se sont abstenues ou ont voté contre.
La méthode travail mise en place pour faire concorder les calendriers a été décriée par les ONG dont Humanité et Biodiversité puisque le rapport du cabinet d’études spécialisé dans les politiques publiques Epices, commandité par l’OFB et censé évaluer les performances environnementales du dispositif HVE, a été présenté le 5 juillet à la CNCE et n’a donc pas pu être pris en considération pour le vote.
Les évolutions restent marginales, ce qui a pour conséquence que le référentiel ne revêt toujours pas une réelle performance environnementale. La bonne nouvelle est l’abandon de la « voie B », qui évaluait les exploitations en fonction du volume de leurs intrants, de leurs prairies permanentes et de leurs infrastructures agroécologiques (haies, mares, espaces enherbés, bosquets...). Toutefois, certains changements représentent un recul : l'utilisation d'un produit classé CMR1 (cancérogène, mutagène, reprotoxique de niveau 1) bénéficiant d'une dérogation exceptionnelle n'a pas été considérée comme pénalisante et la présence d'une seule ruche sur l'exploitation rapporte désormais un point au titre de la biodiversité, au lieu de cinq dans la version du 25 mai. Une autre limite que pointe la Confédération Paysanne et que nous partageons est l'approche par indicateurs et item sans prendre en compte de transversalité et de globalité ; ce qui ne permet pas aux agriculteurs de s’engager dans une transition véritable. Si une amélioration est à remarquer sur l’indicateur biodiversité avec l’introduction d’un critère relatif à la taille des parcelles, les rehausses de critères sont globalement loin d’être significatives et le choix de retenir des obligations de moyens apportent peu de garanties contrairement à des obligations de résultats !
Finalement, 2023 sera une année de transition, n’obligeant pas les nouveaux agriculteurs à appliquer le nouveau cahier des charges.
Le projet d’arrêté et de décret seront ouverts à consultation du public entre le 11 et le 31 juillet 2022. Mobilisez-vous et rendez un avis négatif à cette certification en l’état, qui a été intégrée dans l’éco-régime alors même qu’Humanité et Biodiversité, les ONG ou la Commission européenne s’y opposaient :
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[1] La France peut aussi spontanément proposer des révisions annuelles du plan, mais c’est en 2025 – et donc lors de la révision à mi-parcours – que le règlement européen prévoit une hausse des exigences à l’égard des PSN et plus particulièrement concernant leur conformité aux objectifs du Pacte vert.
[2] Pour rappel, les « éco-régimes » viennent remplacer les paiements verts de la précédente PAC et représentent des programmes pour l’environnement et le climat.
[3]Les exceptions : 1/ la monoculture de maïs : exploitation considérée comme spécialisée en maïs à partir d'au moins 60% de leurs surfaces en maïs (pas d'obligation de rotation, mais d'un couvert végétal) ; 2/ légumineuses : exemption de rotation si plus de 15% de l'assolement en légumineuses.
N.B : À ce jour, aucune trace écrite de ces arbitrages, sous forme de document transmis aux parties prenantes ou de dossier de presse, n'est disponible.
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