Position d'H&B - Santé et biodiversité : pour une approche territoriale
Octobre 2018
Les interactions nombreuses et complexes entre notre santé et la biodiversité nécessitent un effort de recherche soutenu. D’autant plus qu’elles sont essentielles à notre survie et s’inscrivent dans un ensemble de services environnementaux plus large rendus par la biodiversité aux sociétés humaines (approvisionnement en ressources, support à nos activités économiques et culturelles, etc.). Toutefois, si la recherche est une nécessité elle ne doit pas empêcher la mise en place de certaines actions. La politique de décentralisation menées par l’État nous poussent à penser que ces actions doivent être portées dès maintenant par les collectivités territoriales (Régions et EPCI). Elles disposent d’outils pour lier santé et biodiversité au sein des politiques territoriales (aménagement du territoires, cadre de vie, urbanisme, etc).
Nous proposons donc de :
- Développer et pérenniser la recherche interdisciplinaire sur les liens entre santé humaine, santé animale et végétale et améliorer l’observation intégrée des facteurs épidémiologiques, environnementaux, socio-économiques de contamination. Ces recherches, notamment dans le domaine médical, doivent développer de nouvelles cohortes de patients, ou inclure dans certaines déjà existantes, une orientation territoire comme objet d’étude et de suivi. Des temps d’expérimentation importants devront être accordés afin d’effectuer sur quelques territoires choisis pour leurs paramètres environnementaux (fortes dégradation environnementale, territoire aux paysages et à la biodiversité diversifiés, etc).
- Adopter une gestion et une gouvernance intersectorielles, assises scientifiquement et transparentes des crises sanitaires liées aux zoonoses. Cette gestion et gouvernance nouvelle doit s’appuyer en partie sur les conclusions des rapports GEST (1) et GEPP (2) réalisés dans le cadre du GT1 « Santé et biodiversité » du PNSE 3.
- Engager un travail de définition d’indicateurs permettant de caractériser la « qualité » sanitaire des milieux naturels (mesures dans les sols, la faune et la flore sauvage qui sont les sentinelles de l’état sanitaire des milieux) à partir des programmes de recherches. Ces indicateurs peuvent s’inspirer des pratiques en vigueur dans la gestion des milieux aquatiques (Directive cadre européenne sur l’Eau) : évaluation d’un état sanitaire (teneurs en agents pathogènes, bactéries antio-biorésistantes, parasites, etc.) et d’un état écologique (diversité et hétérogénéité spatiale, pressions, polluants, etc.). Ce dispositif pourrait être soutenu par l’équivalent réglementaire de la Directive cadre Eau, une Directive cadre Sol que la France doit défendre auprès de ses partenaires européens.
- Appuyer le développement de plans d’actions par les collectivités territoriales à partir de l’évaluation de la « qualité » sanitaire des milieux naturel, telle que définit dans notre proposition 3. Ces plans coordonneront des actions de restaurations d’écosystèmes ou d’infrastructures écologiques (zones humides, haies, prairies, etc.) qui permettent l’amélioration de la qualité sanitaire des milieux de vie sur un territoire donné. Ils devront faire l’objet d’un suivi et d’une évaluation alimentant par la suite la recherche et l’amélioration des indicateurs de l’état sanitaire des milieux. Ce type de plans d’actions peut s’appuyer sur des outils déjà existants en intégrant par exemple un volet santé dans les Atlas de la biodiversité communale et un volet écologique dans les contrats locaux de santé.
- Former les professionnels du secteur privé et des organismes publics de la santé humaine, de la santé animale, de l’écologie, de la gestion des espaces naturels, de l’aménagement du territoire ainsi que de l’urbanisme à la compréhension des liens entre santé et biodiversité et en particulier, pour les médecins et vétérinaires, ainsi qu’aux conséquences des pratiques de soins sur l’environnement. Ces formations doivent être intégrées aux cursus ou proposées au cours de la carrière.
- Poursuivre et accentuer la réduction des multiples sources de pollutions et de contaminations des milieux naturels et de l’environnement qui favorisent la résistance aux anti-infectieux, dont l’antibiorésistance. Il s’agit en particulier de la consommation d’antiseptiques et d’antibiotique dans les milieux hospitaliers et industriels, de produits phytosanitaires dans les milieux agricoles, de l’usage d’antibiotique dans le secteur vétérinaire et de l’usage de biocides. Nous pensons que cette mesure passe pour partie par un renforcement et un contrôle plus robuste des plans Écophyto et de leurs efficiences.
- Introduire un volet biodiversité transversal dans tous les documents de planification territoriale et d’urbanisme, en particulier dans le domaine de la santé et du cadre de vie. Au regard des impacts sur la santé publique de la dégradation des milieux naturels, il apparaît urgent de faire de la biodiversité et de l’environnement dans toutes ses composantes (bioscénose, eaux, sols, airs) des piliers de l’aménagement du territoire au même titre que le logement ou les infrastructures de transport. Les EPCI et les Régions semblent être des échelles pertinentes, en particuliers pour les PLUI et PLU, les SCoT, Les PCAET et les SRADDET. Les impacts sur l’environnement (destruction/ fragmentation des milieux, pollution, changements d’usage des sols, etc.) doivent être mieux évalués en amont de la création du document (cf. proposition 3) et donc mieux intégrés, de manière contraignant si nécessaire, par la collectivité territoriale. Ce processus d’intégration de l’enjeu « santé environnementale » au sein de l’aménagement et de l’urbanisme peut largement être facilité en encourageant les démarches territoriales volontaires (Projets alimentaires territoriaux, Atlas de la biodiversité communale, Contrats locaux de santé, etc.). Ces derniers doivent cependant incorporer une dimension santé et biodiversité. L’urbanisme devra aussi, chaque fois que cela est possible, s’appuyer sur les solutions fondées sur la nature bénéfique à la santé humaine et à celle des écosystèmes : (ex. : lutte contre les îlots de chaleur, limitation des crues, amélioration de la qualité de l’air, etc).
Nous vous invitons à consulter ci-joint notre note de position version longue.
(1) "Crises sanitaires impliquant la faune et la flore sauvages", Rapport GEST réalisé sous la direction de Marc Artois, par Cécile BALON et Bérengère REVOLLAL pour lecompte du Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la Mer dans le cadre du GT Santé et biodiversité, du PNSE 3, décembre 2016. Rapport disponible sur le site de l’ENSV.
(2) "Crises sanitaires affectant la faune et la flore sauvages : quels retours d’expérience pour mieux gérer demain ?", Rapport GEPP réalisé sous la direction de Marc ARTOIS et Sébastien GARDON, par Cécile BALON, Alice DELARUE, Marie-Claude LEMAISTRE, Hélène RENAULT, Nathalie RIVEROLA et Hervé SEVESTRE, pour le compte du Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la Mer dans le cadre du GT Santé et biodiversité, du PNSE 3, mars 2017.
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