Artificialisation des sols : le ZAN en discussion à l'Assemblée nationale
Publié le 28/06/2023
La proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » (ZAN) a été adoptée le 27 juin 2023 par l’Assemblée Nationale. Le texte soulève toujours plusieurs incertitudes susceptibles de remettre en cause les objectifs de lutte contre l’effondrement de la biodiversité et le changement climatique.
L'artificialisation met en péril la biodiversité et notre souveraineté alimentaire
L’artificialisation des sols en France est une cause majeure d’effondrement de la biodiversité. Chaque année, entre 20 000 à 30 000 hectares continuent d’être artificialisés, soit l’équivalent de trois fois la surface de Paris. Une grande partie de cet espace perdu est constitué de terres agricoles, dont la superficie française totale a diminué de 7,7% entre 1982 et 2019, au détriment de notre souveraineté alimentaire.
Face aux défis que représente l’étalement urbain et l’artificialisation des sols, différentes normes ont été mises en place ces dernière années. Lois Montagne et Littoral, loi SRU ou loi ALUR... Ces dispositifs se sont révélés insuffisants pour permettre une véritable sobriété foncière.
La loi Climat et Résilience du 22 août 2021 a formulé deux objectifs ZAN distincts dans le temps :
- Diviser par deux le rythme de consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) entre 2021 et 2031 par rapport à la décennie précédentes.
- Poursuivre la réduction de l’artificialisation jusqu’à atteindre le « zéro artificialisation nette » en 2050, c’est-à-dire autant de surfaces renaturées que de surfaces artificialisées.
La mise en œuvre concrète de ces objectifs est remise en cause par les collectivités territoriales, avec notamment un recours de l’Association des Maires de France contre les décrets d’application de cette loi. C’est pour répondre à ce mécontentement que le Sénat a adopté, le 16 mars 2023, une proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre du ZAN dans les territoires.
Une proposition de loi pour faciliter l'application du ZAN dans les territoires
L’objectif affiché de cette proposition de loi est de faciliter la mise en œuvre du ZAN mais, en réalité, elle affaiblit l’objectif et la possibilité de l’atteindre en 2050. La proposition de loi du Sénat, en discussion en plénière à l’Assemblée Nationale depuis le 21 juin 2023, a subi des modifications lors de son passage en commission des affaires économiques de l’Assemblée lors de la semaine du 12 juin pour permettre de trouver un compromis entre le texte du Sénat et la volonté du gouvernement.
Humanité et Biodiversité, pleinement investi sur le sujet, a produit un cahier d’amendements en réponse à cette loi pour essayer de corriger certains éléments problématiques.
- L’opposabilité de l’objectif :
La loi Climat et résilience prévoit que le ZAN doit s’appliquer de manière « différenciée et territorialisée » en choisissant les régions comme niveau principal de la territorialisation. C’est à travers le SRADDET, à l’échelle régionale, que l’objectif de division par deux de la consommation d’Espaces Naturels, Agricoles et Forestiers (ENAF) doit être traduit puis décliné au sein des documents d’urbanisme (SCOT puis PLU) aux échelons infrarégionaux. Initialement, l’opposabilité de l’objectif au sein des SCOT devait se faire via un rapport de « compatibilité ». Or, la proposition de loi sénatoriale proposait une régression de l’opposabilité pour un rapport moins contraignant de « prise en compte ». La suppression du rapport de compatibilité transforme une obligation en simple recommandation.
L’article portant cette disposition a été supprimé en commission, le gouvernement souhaitant passer par le décret pour trouver un compromis. Le décret en question vient supprimer l’obligation pour les SRADDET d’intégrer des règles chiffrées et territorialisées ce qui aura pour effet de supprimer de fait le rapport de compatibilité.
Humanité et Biodiversité demande que le rapport de compatibilité entre les différents documents de planification soit maintenu.
- Grands projets d’envergure nationale :
Ce sont les infrastructures dont le maître d’œuvre est l’Etat, comme par exemple les Lignes à Grande Vitesse (LGV) ou les grands ports maritimes. Ces projets ne sont pas équitablement répartis entre les régions et certaines d’entre elles voient donc leur enveloppe d’artificialisation restreinte. La proposition de loi du Sénat proposait d’exclure ces grands projets nationaux de la trajectoire de baisse de l’artificialisation. Lors de l’examen en commission à l’Assemblée Nationale, il a été décidé qu’une enveloppe de 15 000 hectares sera « comptée à part » et déduite du quota d’artificialisation octroyé aux régions. Ce système de péréquation amène à 110 000 hectares l’enveloppe d’artificialisation à répartir entre les régions au lieu des 125 000 hectares prévus.
Humanité et Biodiversité demande que les projets nationaux ne soient pas décomptés des objectifs de réduction de l’artificialisation sur l’ensemble du territoire.
- Mise en place d’une garantie rurale :
Les petites communes et communes rurales ayant peu artificialisé au cours de la dernière décennie craignent d’être pénalisées par l’application du ZAN. Pour répondre à cette crainte, la proposition de loi instaure une « garantie rurale » de 1 hectare « consommable » par les communes peu denses ou très peu denses pour la période 2021-2031.
Pour Humanité et Biodiversité, cette disposition ne prend pas en compte les spécificités des territoires et véhicule l’idée qu’une commune doit artificialiser pour être dynamique.
Nos propositions retenues par l’Assemblée nationale
Humanité et Biodiversité se réjouit de la décision de la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale supprimant l’article 9 de la proposition de loi. Cet article visait à modifier la définition d’espace non-artificialisé pour y faire rentrer des projets artificialisants.
Nous nous réjouissons également de l’adoption de notre proposition d’inclure des représentants de la biodiversité au sein des conférences régionales de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols.
Exprimez-vous sur les consultations publiques avant le 4 juillet 2023 !
Des décrets d’application de la loi sont actuellement en consultation, jusqu’au 4 juillet 2023, en parallèle de la discussion de celle-ci à l’Assemblée nationale.
- Consultation publique sur le projet de décret n°1 relatif à la mise en œuvre de la territorialisation des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols dit « décret SRADDET »
- Consultation publique sur le projet de décret n°2 relatif à l’évaluation et au suivi de l’artificialisation des sols dit « décret nomenclature »
Pour vous aider à participer à ces consultations publiques, Humanité et Biodiversité a rédigé une réponse dont vous pouvez vous inspirer.
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En savoir plus :
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