Position d'H&B - Sécurisation de la chasse
Mars 2022
Mardi 8 février 2022, Humanité et Biodiversité a été auditionnée par le Sénat, aux côtés d’autres associations, dans le cadre de la mission sénatoriale sur la sécurisation de la chasse lancée en novembre dernier. Cette mission a été créée en réponse à la pétition « Morts, violences et abus liés à la chasse : plus jamais ça ! » déposée sur le site du Sénat, ayant recueilli plus de 100 000 signatures et demandant notamment l’interdiction de la chasse le mercredi et le dimanche.
Après une présentation rapide de chaque association présente et de leurs principales revendications, les discussions se sont organisées autour : de la proposition « jours sans chasse » faisant consensus chez les associations mais aussi des conditions d’obtention et de suspension du permis de chasse, des mineurs à la chasse, des différents usagers de la nature et de l’accompagnement psychologique auprès des familles des victimes. En guise de conclusion, il a été annoncé qu’une étude de législation européenne comparée représenterait une part importante du travail de la mission.
Renforcer la sécurité à la chasse
La mauvaise utilisation de l’arme ou la mauvaise prise en compte de son environnement figurent parmi les principales causes des accidents de chasse pour la saison 2020-2021. Or, ces comportements sont corrélés à l’inexpérience ou à la « sur expérience » des utilisateurs de ces armes. Pour agir sur les causes de ces accidents, Humanité et Biodiversité propose un encadrement plus strict du permis de chasser. Par permis de chasser, nous entendons l'ensemble des conditions requises pour qu'une personne soit autorisée à chasser. Dans de nombreux pays européens, le permis de chasser suppose non seulement que l'intéressé réussisse un examen, mais également qu'il remplisse d'autres conditions (santé, assurance, etc.) :
- En France, une formation de 24h suffit à obtenir son permis de chasse alors que dans d’autres pays européens (Italie, Allemagne, etc.), la formation s’étend sur plusieurs semaines et combine formations théoriques et pratiques. La France doit s’aligner sur les systèmes de nos voisins en inscrivant sa formation dans la durée et en la renforçant sur le plan pratique (et notamment la manipulation de l’arme).
- En Italie, la délivrance d’un certificat médical attestant des capacités physiques et psychiques de la personne est obligatoire pour pratiquer une activité de chasse. Nous souhaiterions que cette mesure soit reproduite en France et que ledit certificat soit renouvelé annuellement, au même titre que pour les autres sports de nature.
- En France, il est possible de chasser seul à partir de 16 ans alors qu’en Allemagne, les jeunes chasseurs sont accompagnés pendant un an. Nous proposons a minima que cette mesure soit appliquée et au mieux que la participation active ou passive des mineurs à la chasse soit interdite. En effet, de nombreuses pratiques violentes, non définies comme un acte de chasse, peuvent aujourd’hui être réalisées par des mineurs.
- Le permis est renouvelé tous les 10 ans en France alors que les échéances sont plus courtes dans les autres pays européens (tous les 3 à 6 ans). Nous pensons que le renouvellement du permis devrait avoir lieu au maximum tous les 5 ans.
Par ailleurs, la proportion de traqueurs à l’origine d’un accident tend à augmenter, imposant une vigilance accrue quant à l’organisation des battues. Sécuriser davantage les battues passe notamment par :
- Un rappel récurrent des règles et consignes relatives (prévoyant clairement des mesures coercitives pouvant aller jusqu'à l'exclusion de la chasse par le responsable ou le directeur de la battue) à chaque configuration de battue afin de veiller au bon placement des tireurs et à la bonne organisation des rabats.
- Accorder une attention particulière au bon entretien des armes de chasse, les défaillances mécaniques pouvant être à l’origine d’accidents ;
- Prévoir un périmètre de sécurité - non chassable - de 300 mètres autour des habitations attenantes ;
- En cas de manquement, de négligence ou d’imprudence avérés, la suspension du permis de chasser devrait être systématique. Ce durcissement des règles quant à la suspension du permis participerait d’une part à dissoudre le sentiment d’impunité au sein de la population et d’autre part à renforcer la conscience des chasseurs quant aux risques qu’ils encourent, entraînant un respect plus scrupuleux des règles de sécurité. A titre d’exemple, en Allemagne et en Italie, un contrôle positif d’alcoolémie entraîne un retrait du permis de chasse à vie.
- Ce qui nous amène à la nécessité de déployer des moyens humains et financiers supplémentaires pour que la police de l’environnement soit en mesure d’effectuer davantage de contrôles.
Pour une meilleure cohabitation entre les différents usagers de la nature
Aujourd'hui, tous les citoyens ne jouissent pas de la même liberté de circulation en toute sécurité sur les terrains publics du territoire français, et ce, du fait de ces accidents de chasse et de la crainte qu’ils suscitent. Les témoignages dévoilent que de nombreux randonneurs et cavaliers renoncent à la promenade en période de chasse. Or, il n'est pas acceptable que les chasseurs puissent jouir de la nature aux dépens des autres usagers. La liberté d’aller et venir est un droit fondamental qui doit être garanti à l’ensemble de la population.
De plus, en vertu de l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public (qui comprend notamment la sécurité et la tranquillité publique), des limitations peuvent être apportées à certaines activités, dont la chasse, au regard des risques qu’elle implique pour les usagers de la nature. Le Conseil Constitutionnel avait même déjà admis la possibilité pour le législateur de limiter le droit de la chasse à des fins d'intérêt général (Décision n° 2000-434 DC du 20 juillet 2000).
Dès lors, nous considérons qu’il est nécessaire de créer les conditions d’une cohabitation paisible entre les différents usagers de la nature (habitants des territoires concernés, randonneurs, touristes, chasseurs, etc.) notamment en clarifiant le calendrier de la chasse dans un pays où celle-ci est actuellement autorisée 10 mois sur 12 et tous les jours de la semaine. Pour ce faire, nous proposons d’établir au moins un jour sans chasse par semaine (le week-end) et pendant les vacances scolaires, sur l’ensemble du territoire national. Prenons exemple sur nos voisins : les lois anglaise, italienne, néerlandaise et portugaise[1] ont institué un ou plusieurs jours de non-chasse. Il en va de même des lois de plusieurs communautés autonomes espagnoles, ainsi que du canton de Neuchâtel.
De plus, la majorité des français semble favorable à l’interdiction de la chasse le week-end et pendant les vacances, en témoigne la pétition à l’origine de cette mission ou encore le récent sondage de l’IFOP[2] pour la Fondation Brigitte Bardot (69% des Français ayant répondu favorablement). Ne nous méprenons pas, cette dynamique ne date pas d’aujourd’hui. Dès 2018, un sondage de l’IPSOS pour l’association One Voice[3] affichait un chiffre de 82% des français favorables à l’interdiction de la chasse et du piégeage non seulement le dimanche, mais un deuxième jour par semaine, et l’intégralité des vacances scolaires. 93% des sondés étant également favorables à une visite médicale annuelle obligatoire pour les détenteurs de permis de chasse afin de lutter contre l’insécurité. Ces exemples européens et ces sondages révèlent que le droit français doit aujourd’hui prendre la mesure de ces dynamiques et s’adapter à l’évolution de la société.
Enfin, en sus de profiter au plus grand nombre, les jours sans chasse ne priveraient pas les chasseurs de profiter de la nature et leur permettraient, sans leurs armes, d’effectuer les missions d’inventaires, d’observations et d’apport de connaissances sur la faune sauvage pour lesquels ils bénéficient de financements publics importants.
Image article : Wikipédia Creative Commons, photo du 09/10/2021, Agents de l'ONCFS - Contrôle de chasseurs CANET D'AUDE AUDE, par Bertrand Benazeth
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[1] Au Portugal, la chasse est autorisée uniquement les jeudi et dimanche. En Italie, elle l’est 3 jours par semaine. Au Royaume-Uni, depuis 1831 (Game Act) le dimanche est non chassé.
[2] Sur un échantillon de 1 001 personnes interrogées « représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus ».
[3] 1093 personnes constituant un échantillon représentatif de la population française âgée de 16 à 75 ans ont été interrogées par Internet via l’Access Panel Ipsos du vendredi 28 septembre au mardi 02 octobre 2018, selon la méthode des quotas appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, profession de l’interviewé, région, catégorie d’agglomération.
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